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eu part aux pillages de Chvostoff. « C ie l, me
« disois-je, faut-il donc que toutes ces cir-
« constances, même les moins importantes,
« q u i, dans tout autre cas, n’exciteroient pas
<c la moindre attention, semblent concourir
« pour augmenter sans cesse notre embarras,
« et nous rendre suspects aux y eu x de cette
« nation rusée., craintive et ombrageuse, qui
« ne laisse pas passer la plus petite bagatelle
« sans l ’examiner soigneusement. Le hasard
« a voulu que je fusse occupé à lire , quand
(■(. on m’a apporté cette étiquette, que dans
<c le moment j ’eusse besoin d’un signet, et
« qu’enfin ce volume se soit trouvé précisé-
i(. ment dans la caisse de livres que nos com-,
« pagnons ont prise au milieu de sept à huit
<c autres pour nous l ’envoyer. » Nous avions
souvent fait la remarque entre nous , qu’un
auteur de romans auroit pu difficilement
réunir sur son héros autant d’événemens
malheureux que le sort en avoit accumulés
sur nous, et nous en prenions sujet de plaisanter
avec M. Moor,qui étoit pliis jeune que
M. Chlebnikoff et que moi, et qui, d’ailleurs,
étoit bien fait et avoit bonne mine. Nous
l ’exhortions à faire tourner la tête à quelque
grande damejaponoise, afin que, parsonaide,
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nous pussions nous enfuir du Japon,et qu’il
vînt à bout de la déterminer à nous accompagner.
Alors nos aventures eussent été complètement
romanesques. . . . Mais l’héroïne
nous manquoit encore.
Avant le départ du magistrat pour la capitale,
l’on nous conduisit chez le bounio. Il
nous pria de vouloir bien lui montrer comment,
en Europe, on portoit le chapeau et
l’épée. A cet effet, on nous donna l’un et
l ’autre. La curiosité des Japonois alloit si loin,
qu’ils nous demandèrent pourquoi les officiers
portoient leur chapeau les uns droit, les a u tres
en travers j ils s’étonnèrent singulièrement
d’apprendre que, à la parade, on portoit
le chapeau droit, mais qu’ailleurs chacun le
mettoit à sa fantaisie, et que cela n’indiquoit
aucune différence de grade. Ils voulurent
• A ' ’ ~ aussi connoître de quelle manière les matelots
portoient leurs chapeaux (1). Enfin, le
(t) Je dois, à propos de çhapeau, rapporter une aventure
singulière. Quand les Japonois nous arrêtèrent à
Kounaschir, les chapeaux de nos matelots tombèrent à
terre, et les Japonois les percèrent de quelques coups de
sabre. Pendant que nous étions encore dans nos cages à
-Matsmaï, on dit aux matelots de raccommoder leurs
chapeaux. Ils répondirent qu’il leur falloit pour cela des