mais les soldats leur adressèrent, avec toute
la politesse possible, leurs représentations en
sens contraire. Il s’éleva une altercation qui
dura près d’un quart d’heure. Les soldats
nommèrent souvent le commandant de Kounaschir,
alléguant probablement ses ordres
de nous conduire garrottés à Chakodade, et
insistèrent fortement sur ce point. Gooïso
expédia sur-le-champ un rapport sur la difficulté
à Chakodade; et, deux à trois verstes
avant d’y arriver, vint l’ordre de nous délier
les mains, ce qui fut fait à l ’instant même.
A trois verstes de cette v ille , nous fîmes une
pause dans une petite maison pour y attendre
l ’ordre relatif à notre entrée.
Cependant une foule nombreuse de personnes
de tout sexe et de tout âge étoit sortie de
Chakodade pour venir au-devant de nous. Il
y avoit des hommes à cheval et vêtus de robes
de soie; leur mise et les harnois deleurs montures
annonçoient que c’étoient des personnages
de distinction. Enfin, l’après-midi, la
marche commença avec grand apparat. La
route étoit, de chaque côté, couverte dé spectateurs
; tout ce monde fut d’une retenue
exemplaire. J’examinai attentivement de
quel oeil on nous considéroit, et je n’aperçus
nulle part de physionomie qui semblât
prendre plaisir a notre malheur, ou qui nous
marquât de la haine ou du mépris. Tous
sembloient également éloignés de l’intention
de nous offenser et de nous chagriner par des
moqueries.
En entrant dans la v ille , nous trouvâmes
la foule encore plus considérable, de sorte
que nos gardes eurent beaucoup de peine a
nous frayer un passage. Après avoir suivi
pendant un demi-verste une rue longue et
très étroite, nous tournâmes à gauche par
une rue transversale qui nous conduisit dans
la campagne. Nous aperçûmes alors sur une
hauteur le bâtiment qui nous étoit destiné
pour demeure. Sa vue nous remplit de terreur.
On ne pouvoit en voir que le long toit,
et, par sa grande étendue, juger de celle de
l’édifice ; car une palissade en bois, entourée
de chevaux de frise en fer, le cachoit à nos
yeux. Autour de lapalissade régnait un mur
en terre qui étoit un peu moins élevé, et,
pour la circonstance actuelle, étoit tendu
d’étoffes rayées. Auprès de la porte se trou-
voit un corps-de-garde, où quelques officiers
étoient assis. Depuis cet endroit, l’espace que
nous devions parcourir étoit garni de sol