tendre qu’à une mort cruelle, ou à une captivité
perpétuelle, plus affreuse que la mort.
La fuite étoit notre unique moyen de salut;
mais comment l’effectuer? Nous étions enfermés
deux à deux ; il étoit donc impossible de
nous échapper tous ensemble.Plusieursfoisle
desespoir nous inspira le projet d’employer la
violence pour nous enfuirlesoir, quand nous
sortirions du château ; mais, indépendamment
de l ’escorte nombreuse qui nous entouroit,
nous avions encore autour de nous une foule
innombrable de curieux qui eût suffi pour
nous faire périr en nous jetant de là boue.
Il ne nous restoit donc d’autre parti à prendre
que d’attendre le moment où nous serions enfermés
tous ensemble , pour combiner d’un
commun accord les moyens de nous enfuir.
Deux ou trois jours après, l’officier japonois
, le médecin et l ’interprète, faisant leur
visite du matin, comme à l ’ordinaire, s’étoient
arrêtés chez M. Moor pour le questionner sur
des mots russes. Alexis passa plusieurs fois
très-près des barreaux de ma loge, me regarda,
jeta un coup d’oeil sur les Japonois,
et eut l ’air de vouloir me communiquer quelque
chose en particulier. Je lui parlai, il resta
muet. E nfin, le moment favorable s’étant
( 2 1 7 )
présenté , il me jeta, au travers des barreaux,
un petit rouleau de papier. Je mis aussitôt les
pieds dessus, et je restai dans la même position
jusqu’au départ des Japonois. Alors je
ramassai le paquet, et je trouvai une aiguille
de fer et un petit billet enveloppés dans p lu sieurs
morceaux de papiers. Les caractères du
billet étoient tracés avec la pointe de l’aiguille;
il portoit la signature de M. Chlebnikoff, il
contenoit plusieurs lignes; mais j ’eus beau
faire , je né pus déchiffrer que les mots sui-
vans: « Dieu,— Espérance,— Lamakin,— l’Is-
' « pravnik du Kamtschatka,— les Kouriles__
Soyez prudent,— et quelques autres expressions
décousues. Je ne pouvois comprendre
ce que signifiait ce billet; si M. Chlebnikoff
m’écrivoitsur nos affaires, comme j ’avoislieu
de le penser, quel rapport pouvoient-elles
avoir avec ce Lamakin, dont je n’avois jamais
entendu parler.L’idéequelatête avoit tourné
à M. Chlebnikoff, m’alarma ainsi que mes
Compagnons.
Le soir, Alexis étant revenu de notre côté
dans le corridor, je lui demandai si M. Chlebnikoff
ne déraisonnoit pas, et ce que signifioit
le billet que je n’avois pas pu lire ? Non, reprit
Alexis : plus tard , vous saurez tout. Je ra