voulûmes pas profiter de la permission de nousr
raser, surtout ne pouvant procéder à cette
opération qu’en présence d’un officier et de
nos gardes, crainte qu’il ne pous prît fantaisie
de nous couper le çou. Les -Japonois
avoient d’abord laissé à chacun de nous le
choix de se raser, si cela lui convenoit; quand
ils virent pourtant que M. Chlebnikoff,et moi
nous n’en faisions rien, ils voulurent nous y
contraindre, disant que le gouverneur dési-
roit nous voir sans barbe. Nous répondîmes
que c’étoit l ’affaire du gouverneur de rechercher
si nous avions dit la vérité, et de
nous faire rendre justice, mais qu’il devoit
lu i être absolument indifférent que nous fussions
barbus ou rasés; qu’au reste, nous
ferions tout ce qu’il désiroit, si nous nous
apercevions que les Japonois en usassent loyalement
envers nous; que nous n’en avipns
encore eu aucun indice; et qu’enfin, ayant
perdu l ’espoir de retourner dans notre patrie,
nous pouvions bien ne plus nous inquiéter
de nos barbes. Les Japonois essayèrent plusieurs
fois de nous faire changer d’idée; ce fut
en vain, car nous étions fermement décidés à
ne pas satisfaire leur caprice.
Enfin les interprètes nous apprirent qu’à
la capitale, notre affaire n’alloit pas très-bien.
Teské nous dit que tous les magistrats de
Matsmaï, et même les habitans de cette ville ,
étoient convaincus de la vérité de nos déclarations,
et que néanmoins les membres du
conseil suprême ne partageoient pas 1 opinion
du gouverneur qui nous avoit interrogés.
Ils pensoient que nous trompions tout
le monde, et que l ’interprète Koumaddjero
n’entendoit pas assez le russe pour avoir
traduit convenablement nos réponses et
notre mémoire justificatif, car il s’y trouvoifc
quelques passages qu’ils trouvoient totalement
inintelligibles. Ayant alors demandé à
Teské quel parti l’on adopteroit à notre égard,
il répondoit qué l ’on nepouvoit pas le savoir
précisément, parce que le conseil n’avoit pas
encore pris de résolution, mais que plusieurs
personnes croyoient que l’on nous relâche—
roit. Nous vîmes clairement qu’il craignoit
de nous jeter dans le desespoir, et qu il vou-
loit nous laisser au moins un rayon ¿ e sp é rance
: ses consolations produisirent pourtant
bien peu d’effet. En réfléchissant à notre position
, nous reconnoissions clairement qu’il
falloit renoncer à toute espérance «Eetre rendus
à la liberté. Le seul moyen de salut qui