nous annonçâmes à Alexis que nous avions
pour le moment totalement abandonné le
projet de nous enfuir; que peut-être nous y
penserions de nouveau en é té , et nous lui
demandâmes son opinion pour savoir quand
et comment il conviendroit le mieux de l ’effectuer.
Nous voulûmes aussi faire disparoître
les soupçons de M. Moor, et à cet effet
nous décidâmes de lui confier que nous
projetions de nous enfuir, mais avec lu i, et
seulement après l ’arrivée du nouveau gouverneur.
A lo r s , lu i dîmes nous , quand nous
aurons connu le contenu de l’écrit de Chvos-
toff, et v u , par la conduite etles discours du
nouveau bounio, quelles sont ses dispositions
pour nous, il sera possible que les circonstances
changent tellement que vous partagiez
nQtre façon de penser et consentiez à
une tentative désespérée. A ces ouvertures,
M. Moor répondit que son sort étoit fixé, et
q u e , quelles que fussent les nouvelles que le
nouveau bounio apporteroit, il étoit bien
déterminé à ne pas s’enfuir et à rester au
Japon. Nous vîmes, à notre satisfaction infinie,
dès les premiers jo u r s , que notre ruse avoit
réussi; car M. Moor parut complètement
tranqaillisé, et ne nous épia plus. Que l e l e o
leur ne nous reproche pas cette supercherie ;
qu’il songe à quel tissu de méchanceté, d’artifice,
de calomnies, de flatteries, certain es gens
ont recours pour obtenir des avantages insi-
gnifians, des charges honorifiques, des cordons;
peut-on donc nous condamner d’avoir
été dans la nécessité de tromper notre compagnon
infidèle, qui vouloit nous empêcher
de nous délivrer d’une captivité indéfinie et
de retourner dans notre patrie; sans cela,
nous ne pouvions pas espérer de la revoir
jamais. Que l ’on se figure notre position, elle
étoit affreuse.
Enfin, le 20 avril parut. Le temps appro-
choit où nous devions attendre le retour de
notre corvette, en supposant qu’elle fût
allée d’Ochotsk au Kamtschatska, pour h iverner
dans la rade d’Avatcha. Quand une
fois elle seroit près des côtes de Matzmaï,
il ne se présenteroit peut-être pas une occasion
favorable de nous évader et de nous
emparer d’un bâtiment; et d’ailleurs, tout
bien considéré, il nous sembloit que nous
attendrions en vain la Diane. L ’imprudence
de nos matelots et peut-être la nôtre avoient
de nouveau éveillé les soupçons de M. Moor,
et il recommençoit à nous regarder de tra