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constance nous fit soupçonner que Ton tra-
moit quelque chose de sinistre. Le commandant
en second s’éloigna un instant pour
donner des ordres, revint et dit quelques
mots à l’oreille du commandant en chef
qui se leva et voulut s’en aller. Nous nous
levâmes en même temps et voulûmes prendre
congé; je demandai encore une fois au commandant
le prix des provisions, et s’il avoit
l ’intention de les envoyer après nous. Alors
il se rassit, nous pria d’en faire autant, et
ordonna de servir le dîner, quoiqu’il fût encore
de bonne heure ; nous acceptâmes son
invitation, et nous attendîmes avec une e x trême
curiosité ce qui alloit a r r iv e r , car il
étoit trop tard pour se tirer d’une bonne manière
du piège , si c’en étoit un. Mais la conduite
affectueuse des Japonois et les assurances
qu’ils nous donnèrent que nous n’avions
rien à craindre de leur part, nous
tranquillisèrent de nouveau, de sorte que
nous ne soupçonnâmes aucune perfidie.
Ils nous régalèrent de riz , de poissons dans
une sauce verte, et d’autres mets savoureux
dont nous ne connoissions pas les ingrédiens,
enfin de -saki. Le repas fin i, le commandant
en chef voulut de nouveau s’en aller7 pour
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satisfaire, disoit-il, un besoin naturel. Je déclarai
alors-que je ne pouvois pas attendre
plus long-temps, et que je devois retourner
à bord. Il se rassit et nous fit dire qu’il ne
pouvoit nous approvisionner de rien, sans
ordre du gouverneur de Matsmaï son supérieur,
et qu’un de nous de voit rester en otage
au fort, jusqu’à ce qu’il y eût une résolution
prise sur le rapport qu’il ferait. Ce fut alors
que les Japonois levèrent le masque. Ayant
demandé combien de temps il faudrait pour
envoyer le rapport à Matsmaï et en recevoir
la réponse, le commandant répondit : quinze
jours. Je regardai comme déshonorant de
laisser si long-temps un officier en otage.
Je pensois, en outre, qu’avec une nation
comme les Japonois, il étoit impossible de
prévoir la fin de cette affaire. Le gouverneur
ne voudroit certainement rien faire sans
rautorisation du gouvernement, et je serais
obligé d’attendre jusqu’à l’hiver une réponse
décisive. Je répliquai donc que je ne
pouvois pas, sans en avoir délibéré avec les
officiers restés sur la corvette, attendre si
long-temps, ni laisser un officier en otage. Là-
dessus nous nous levâmes pour nous en aller.
Tout-à-coup le commandant, qui avoit