l’intérieur de la première palissade. Ils fai-*
soient la ronde tous les quarts d’heure. La
nuit ils portoient du fe u , et indiquoient les
heures en frappant deuxpetites planches. Les
soldats impériaux venoient au contraire toutes
les demi-heures dans le hangar, faisoient le
tour de nos cages et regardoient à travers les
barreaux. Le bâtiment étoit situé entre une
ravine roide et profonde, au fond de laquelle
couloit un ruisseau, et les murs du château,
dont une route très-large le séparoit. La nuit
rendoit notre prison encore plus affreuse, car
nous n’avions pas de feu ; une seule lampe,alimentée
par de l’huile de poisson, brûloit dans
la chambre des gardes; renfermée dans une
lanterne de papier, sa foible lumière pouvoit
à peine, au travers des barreaux, éclairer
quelques objets dans le hangar. Tout le reste
étoit enveloppé dans des ténèbres impénétrables.
Le fracas, produit toutes les demi-
heures, au milieu du silence de la nuit, par
le mouvement des serrures et des verroux
qui s’ouvroient et se fermoient quand les sol*
dats venoient nous visiter, ajoutoit à l’hor*
reur de ce lieu terrible, et ne nous laissoit
pas un instant de sommeil. P u reste, il n’y
SB .
avoit guère moyen de dormir paisiblement ,
étant sans cesse tourmentés par des idées
horribles.
Nous ne pouvions nous figurer que les
Japonois eussent employé inutilement tant
de frais, de temps et de peine pour construire
cette prisqn, s’ils eussent eu le dessein de
nous rëndre promptement la liberté. Il leur
eût été facile de trouver un lieu propre à
nous y retenir un an ou deux; mais l ’arrangement
et la solidité de notre cachot sembloient
indiquer qu’il seroit notre demeure jusqu’à
la fin de notre existence. Cette pensée faisoit
notre supplice. Nous restâmes long-temps
assis, sans proférer une parole; nous jetions
des regards dq douleur les uns sur les autres,
nous regardant comme des victimes condamnées
au sort le plus rigoureux,
Un domestique vint rompre ce silence en
nous apportant notre souper, composé de
riz, d’un morceau de poisson, et d’une poignée
de haricots dans du sirop. Il nous donna
ces mets à travers les barreaux, e t , ne m’apercevant
pas dans le coin où j ’étois étendu,,
demanda en mauvais russe où étoit le troisième.
M. Moor s’informa aussitôt où il avoit
appris cette langue ; au Kamtscbatka, reprit- Tom. I. -