Alexis nous dit que, dans la partie méridionale
de Kounaschir,il y avoit un mouillage
sûr et un village fortifié, où nous pourrions
nous pourvoir d’eau, de bois, de riz et de légumes
frais. Je résolus, en conséquence, de
laisser Ourbilsch de côté et d’aller directement
à Kounaschir. Ce qui me détermina surtout
à.prendre ce parti, fut le désir d’explorer
soigneusement ce port, et le canal qui sépare
Kounaschir de Matsmaï ; car ce détroit n’étoit
pas alors connu des navigateurs européens;
sur beaucoup de cartes, sa place étoit occupée
par la continuation de la terre, et ce point
douteux ne se trou voit pas même éclairci sur
la carte de Broughton. Un autre motif me
forçoit aussi de. gagner aussitôt qu’il seroit
possible le village et le mouillage sûr dont
on nous avoit parlé. Nous découvrîmes que
les rats avoient consommé dans le haut de la
soute aux vivres quatre pouds de biscuit, et
s ix tchetvert de drêche ; ne pouvant pas savoir
dans quel état se trouvoient nos vivres
logés plus bas, il falloit nous hâter d’arriver
dans un endroit où nous pourrions, au besoin,
nous procurer de nouvelles provisions.
Les vents contraires, les brumes et le temps
couvert, ne nous permirent d’entrer que
le 4 juillet dans le détroit entre Matsmaï et
Kounaschir. Dans l’intervalle, nous avions
souvent aiperçu Itouroup, Kounaschir, et
Tschikotan , mais ces îles étoient presque toujours
enveloppées de nuages. Yers le soir,,
nous approchâmes d’une langue de terre longue
et plate , qui forme -le côté est du port de
Kounaschir. Afin de ne causer aux Japonois
ni inquiétude ni crainte, en entrant si tard
dans leur port, je jugeai qu’il valoit mieux
mouiller dans le canal. Pendant toute la nuit,
nous vîmes de grands feux allumés sur les
deux caps de la baie ; c’étoient probablement
des signaux. Le lendémain matin, 5 ju ille t ,
nous entrâmes dans le port. Quand nous nous
approchâmes de terre, le fort tira sur nous
deux coups de canon à boulet qui ne nous atteignirent
pas. Ce sâlüt nous fit conclure que
les nouvelles d’Itouroup n’avoient pas encore
instruit les Japonois de nos intentions amicales
pour eux; le fort et la baie étant encore
cachés dans l’obscurité, nous-mouillâmes de
nouveau; mais lorsque le temps se fut éclairci,
nous vinmes plus près du fort. Cette fois on
ne tira plus sur nous, quoique la chaloupe
qui sondoit en. avant de nous fût à portée de
canon. Les ouvragesdu fort étoient tendus,