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foyers des charbons allumés depuis le matin
jusqu’au soir; de sorte qu’assis sur les planches
près des barreaux, nous pouvions nous chauffer.
Quelques jours après l’on nous donna du-
tabac à fumer, et des pipes avec de très-longs
tuyaux, au milieu desquels on avoit placé des
boules de bois si grosses, qu’elles ne passoient
pas entre les barreaux, afin qu’il nous fût
impossible de tirer, avec la pipe', des charbons
ardens jusque dans nos loges. Cette singulière
marque de défiance nous mit de très-mauvaise
humeur, et nous reprochâmes assez
durement aux Japonois leur manière, barbare
de juger les Européens. Ils se mirent
à rire, et invoquèrent leurs lois qui leur o r -
donnoient d’éloigner des prisonniers tout ce
qui pou voit les mettre en état de nuire aux
autres et à eux-mêmes ; ils ajoutèrent que
c’étoit grâces uniquement à la complaisance
et à la bonté du gouverneur, que nous avions
la permission- de fumer , car les lois ne l’ac-
cordoient pas; mais qu’ils n’avoient pas cru
enfreindre les lois, en imaginant une chose
bien utile pour nous , en établissant les
foyers, et qu’en conséquence nous ne devions
pas nous fâcher. Cette explication nous calma
et nous fit grand plaisir;nous vîmes clairement
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quç, chez les Japonais comme en Europe, on
n’observe pas touj ours 1 es lois avec une extrême
'• ' -g • - •
rigueur, et que souvent on sait les interpréter.
Nous pensâmes aussi qu’ils s’étoient peut-
être déterminés à n’être pas si ponctuels dans
l ’exécution de leurs lo is , pour éviter une
guerre avec la Russie, et qü’ils nous mettraient
en liberté , plutôt que de s’attirer le ressentiment
d’un voisin belliqueux et puissant. Les
Japonois nous assurèrent de nouveau qu’avec
le temps ils adouciroient encore notre
situation, et qu’enfin ils porteraient leurs
bienfaits an plus haut degré, en nous renvoyant
dans notre patrie. En nous donnant
cette assurance, ils nous dirent que chez eux
rien ne se faisoit ni promptement ni tout d’un
coup, mais que tout suivoit une marche
tranquille et lente , et qu’ainsi notre position
ne pou voit s’améliorer que graduellement.
Nous avions déjà fait cette expérience, car
pous ne recevions pas deux faveurs dans le
même jour,
Entre autres marques, de bienveillance,
dontle bounio nous honora, il en est une qui
mérite surtout d’être citée,‘Un jour on nous
montra des modèles de bâtimens et de bateaux
qui nous parurent être chinois, un rouble