les voulions. Nous le remerciâmes beaucoup
de cette attention, mais en le refusant, parce
que nous avions déjà un superflu de vêtemens,
et que, dans la prison, ils ne nousétoientpas
nécessaires. Le bounio ne voulut pas en démordre,
et les interprètes furent obligés de
prendre l’uniforme de M. Chlebnikoff pour
modèle. Au bout de quelques jo u r s , on nous
apporta les habits. Les trois nôtres étoient en
taffetas, doublés de même et ouatés; Je mien
étoit vert, ceux de MM. Chlebnikoff et Moor,
bruns (1). Les matelots eurent des habits eri
toile de coton grise, ouatés. Les Japonois
( i) M. Moor et M. Chlébmkoff portoient souvent les
habits que les Japonois nous avoient fait faire ; quant à
moi, je ne portois que mon justaucorps et mës culottes
de frise. C’est pourquoi le bounio me demanda
par quelle raison je ne me servois pas des habits faits à
M&ÿSmaï*, il crut que, comme commandant, je ne vou-
lois pas être vêtu de même que mes officiers subalternes.
Je me mis à rire de cette observation, et je lui dis qu’en
Russie nous avions porté des habits de même couleur et
de même drap , comme il le pouvoit voir à nos uniformes,
qui ne différoient que par les signes qui mdi-
quoient nos grades. Il est probable néanmoins que le
bounio persista dans son opinion, et que ce fut ce qui
l ’engagea à me faire faire un habit d’une couleur clifTé—î
rente de ceux de mes compagnons.
n’avoient pas pu imiter la coupe de nos uniformes;
ils en reconnurent eux-mêmes la différence;
ce qui les fit beaucoup r ire , et ils
admirèrent le talent des tailleurs européens y
dont les leurs n’avoient pas pu imiter le travail
dans leur ouvrage, quoiqu’ils eussent un
modèle devant les yeux.
Depuis que l’on avoit métamorphosé notre
prison, nos gardes ne bougeoient presque
plus d’auprès de nous; ils s’asseyoient au feu
avec nous, fumoient et jasoient. D’a illeurs,
ils nous montroient beaucoup d’amitié, quelques
uns même nous apportaient des confitures
, de bon th é , etc. Mais cela se faisoit-
en secret, car il leur étoit défendu de nous
rien donner sans la permission de leurs supérieurs.
Ainsi, malgré la réserve extrême
des Japonois, et la sévérité avec laquelle ils
observent leurs lo is , ils sont pourtant sujets
au x foiblesses humaines. Nous en trouvâmes
même parmi eux qui ne pouvoient pas garder
un secret. Il y en eut un qui parloit kourile,
et qui nous raconta mystérieusement que les
chasseurs russes qui s’étoient enfuis da bâtiment
de Chvostoff à Itouroup, avoient, après
son départ, été rencontrés ivres, sur le bord
de la m e r , par les Kouriles\qui les avoient
l