« de venir ensuite les attaquer avec des
« forces plus considérables.»
Nous jugeâmes que Teské n’avoit tenu ce
discours que pour nous préparer à ce qui de-
voit réellement a rrive r, afin que nous ne
fussions pas trop abattus par l’ordre de notre
départ pour Iédo, d’où probablement nous
ne sortirions jamais. Teské nous apprit une
autre circonstance très-importante ; c’est que
Chvostoff, dans son invasion, avoit enlevé
quelques Japonois, les avoit gardés près de
lu i pendant l’h iver au Kamtschatka, et l’année
suivante les avoit déposés sur l ’île Lissel,
(P ic de Langle J , avec un papier adressé au
gouverneur de Matsmâï, pièce que l’on nous
feroit voir avec le temps, Teské ne voulut ou
ne put pas nous dire le contenu de ce papier,
ni qui l’avoit signé. Comme les Japonois nous
avoient déjà montré auparavant tous les morceaux
de papier sur lesquels se trouvoient
écrits des mots russes, même les prières que
les Kouriles avoient apportées, et nous avoient
demandé de les traduire tous , nous crûmes
que celui-là, dont ils n’avoient jamais parlé,
étoit la déclaration de guerre, ou quelque
autre écrit de Chvostoff. Il nous parut vrai-
( H t >
semblable qu’ils en connoissoient le contenu,
et qu’ils ne nous J’avoient caché que pour
nous convaincre finalement d’imposture. Que
dire alors pour notre justification?
A peine Teské nous eut-il quittés, que
M. Moor s’écria qu’il voyoit combien notre
position étoit affreuse, et qu’il étoit disposé à
s’enfuir avec nous. Pès que Simanoff et Vassilieff
eurent entendu ces mots, ils y acquiescèrent.
Il ne s’agissoit donc plus que de savoir
quel parti nous prendrions avec Alexis. L u i
découvririons-nous notre projet, en l’e x hortant
à fuir ayec nous., ou bien le laisserions
nous en arrière sans lui rien dire? Dans
le premier cas, nous pouvions craindre qu’il
ne nous dénonçât aux Japonois ;mais, dans le
second, nous étions désolés de penser que
nous lu i attirerions un châtiment sévère.
D’abord, nous résolûmes d’écrire une lettre
au gouverneur, pour lu i protester de l ’innocence
de ce Kourile ; ensuite M. Moor
nous conseilla de découvrir notre projet à
Alexis et de le prendre avec nous, parce que
la connoissance qu’il avoit des plantes et des
racines dont on peut se nourrir, et son expérience
dans la navigation de ces parages nous
^croient très-utiles. Nous fîmes donc cette