tout ce que nous serions à même de leur faire
connotîre, nous acceptâmes la proposition avec
plaisir.Cependant, pour prévenir leô questions
sur des minuties dont ils pourroient nous ennuyer
, nous leur dîmes qu’ils ne devoient
guère espérer d’apprendre tout ce qu’ils sou-
liaitoient sur la Russie, de gens qui avoient
passé la plus grande partie de leur vie à la
mer. Ils répondirent très-poliment qu’ils se-
roient très-satisfaits dece que nous savions (1).
Dès le premier jour de leçon,Teské montra
une capacité extraordinaire. Il avoit une si
bonne mémoire et une si grande facilité à prononcer
les mots russes, que nous fûmes sur
le point de soupçonner qu’il entendoit déjà
notre langue, mais qu’il le cachoit à dessein,
ou bien qu’il savoitau moins une autre langue
de l ’Europe. I l s’aperçut d’abord que K où -
maddjero ne prononçoit pas les mots comme
(1) Parmi les livres anglois qui nous avoient été envoyés,
se trouvoit \e Tableau de V Empire de Russie
par Tooke, qui renfermoit tout ce que les Japonois
avoient envie de savoir sur la Russie; mais nous leur
cachâmes le véritable contenu de cet ouvrage, craignant
qu’ils ne nous forçassent de le traduire. D’autres motifs
nous y déterminèrent aussi. (Ce livre a été traduit en
françois, et on l’a mal intitulé Histoire de F Empire de
Russie sous Catherine I I . )
bous., et nous fit tout de suite part de son observation.
Nous fûmes donc obligés derevoir
tout le vocabulaire de Koumaddjero dans lequel
il nota, en caractères japonois, au-dessus
de chaque mot, notre manière de prononcer.
Nos écoliers nous venoient voir presque
tous les jours, restoient avec nous depuis le
matin jusqu’au soir, et ne nous quittoient qu’à
midi pour aller dîner. Lorsque le temps étoit
mauvais, on leur apportait leur repas dans
notre prison. Au reste, les Japonois faisoient
une différence entre notre logement et une
vraie prison ; ils nommoient le premier Oksio,
et la seconde No. Voici la différence qu’ils
établissoient : dans une prison, l ’on n’allume
pas de feu, et l’on n’y sert ni thé, ni tabac , ni
saki, tandis qu’ils nous donnoient tous les
quatre à cinq jours deux tasses à thé de cette
boisson. La nourriture est aussi bien plus
mauvaise dans la prison, et l’on n’y distribue
même le riz que par portions. La construction
du bâtiment et la sévérité de la surveillance
sont d’ailleurs les mêmes. Nous avions cru
d’abord que l’Oksio désignoit un lieu destiné
aux prisonniers de guerre; nous apprîmes ensuite
que les Japonois y étoient aussi renfermés
Tom. I. aQ