mençâmes à avoir meilleure opinion des Japonois,
et à ne plus les regarder comme une
nation complètement barbare, digne seule--
ment de notre mépris.
Quand nous eûmes déjeûné, le voyage continua
le long de la côte. Le temps étoit calme et
serein; les nuages sombres qui couvroient
ordinairement l’horizon, s’étoient évanouis.
Toutes les montagnes et les côtes voisines,
Kounaschir et ses rives qui entouroient le
p o r t , si funeste pour nous , se montroient
éclairés parles rayons du soleil sur le point de
se lever. Mais la Diane avoit disparu ; sa vue
n’eut servi d’ailleurs qu’à aggraver nos peines.
Deux à trois heures avant le lever du so le il,
on s’arrêta près de quelques cabanes habitées
gar des Kouriles. Les Japonois hâlèrent les
deux bateaux à terre, et, à l’aide des Kouriles,
leu r firent gravir une montagne, à travers
des buissons et une petite fo r ê t , sans que
nous ni nos gardes fussions obligés de sortir.
Ils se frayèrent un chemin avec la hache*
Nous né pouvions concevoir ce qui les déci-
doit à traîner au haut d’une montagne un
bateau d’une si grande dimension, car il avoit
au moins trente pieds de long et huit de
large. Nous supposâmes que peut-être ils
«Voient aperçu la Diane,vt craignoient qu’elle
ne leur enlevât lenr proie. Mais les choses
s’éclaircirent bientôt. Quand le bateau fut
parvenu au sommet de la montagne qui étoil
assez élevée, ils le firent descendre du côté
opposé, et entrer ensuite dans une petite rivière
qui ressembloit assez à un canal creusé
par l’art Ce voyage par terre fut d’environ
trois à quatre verstes. Le matelot Vassilieff
commença, en ce moment, à saigner du nez
aussi violemment que si on lui eût ouvert
une Veine ; nous priâmes les Japonois de
desserrer les liens de son cou ; ils ne firent pas
attention à notre demande. Us lui bouchèrent
le nez avec du coton; mais ayant remarqué
que ce moyen n’arrêtoit pas le sang, ils relâchèrent
un "peu les cordes. Cette dûreté de
coeur effaça la bonne opinion que nous
commencions à avoir d’eux; et nous en re-
vinrnes à notre idée précédente, qu’ils
étoient les plus cruels des barbares.
Quand nos bateaux furent dans la rivière,
nos gardes se montrèrent un peu plus affables
pour nous, peut-être parce que le danger
qu’ils redoutaient de notre corvette étoit
passé. Ils s’efforcèrent de nous faire comprendre
par signes que, dans huit à dix jours,