et leurs félicitations ne nous parussent pas
feintes, nons étions cèpendant convaincus
que si leur avantage seul leur faisoit mettre
un haut prix à notre existence, ce motif les
porteroit à employer tous les moyens de
la conserver. Une nation si rusée, si intelligente
et si fine, pouvoit aisément, suivant
nous, prendre toute espèce de masque; et il
étoit possible que tout ce quise passoitnefût
qu’un déguisement. Quant aux motifs qui
nous inspirèrent oe soupçon, les voici: Notre
table éprouva bientôt un nouveau changement
: il ne resta que la vaisselle neuve; on
substitua l’huile de poisson aux chandelles.
Nos gardes remirent, à l’endroit où elles pen-
doient auparavant, les cordes que l ’on nous
avoit ôtées. Nous apprîmes de plus que le
commandant de Kounaschir, qui nous avoit
tendu le piège dans lequel nous avions donné,
son second, et l ’officier d’Itouroup qui nous
avoit remis une lettre, étoient arrivés à
Matsmaï; enfin, que le bounio avoit résolu d’interroger
de nouveau Alexis en leur présence.
Nous pouvions aisément conclure de toutes
ces circonstances, que le bounio ne regardoit
pas notre affaire comme terminée. Alexis, en
revenant du château, nous dit que le gou-s
verneur l’avoit menacé de la mort pour avoir
désavoué sa première déposition: tt Mais,
tt ajouta-t-il, j ’ai déclaré très-fermement que
t t je ne craignois pas la mort , et que j’étois
« prêt à mourir pour la vérité. Alors le goûte
verneur a changé ses menaces en plaisante
terie, m’a invité à être tranquille, âne plus
te penser à ce qu’il venoit de dire , et m’a conte
gédié, en m’annonçant qu’il me feroit
« bientôt revenir. »
Un jourKoumaddjero nousamena un jeune
homme de vingt-cinq ans, nommé Moura-
cami-Teské, et nous dit : te Le gouverneur
t t souhaite que vous lui enseigniez le russe,
t t afin que nouspuissions tous deux examiner
« la traduction de votre mémoire ; autrement
t t le gouvernement japonois ne la regarde-
« roit pas comme valable, parce qu’elle a été
t t faite par un seul interprète, tandis que
t t la loi en exige deux. » — t t Mais que si-
« gnifie donc la déclaration du bounio, de-
« mandâmes-nous, quand il nous a assuré
<t qu’ilajoutoit une foi entière à notre rapport,
t t qu’en conséquence il améliorait notre s i-
« tuation, et se faisoit fort d’obtenir notre
t t liberté? »— <c C’estainsique pense le bounio,
t t reprit Koumaddjero ; mais le gouvernement
t t exige que ce mémoire soit traduit par deux