les Japonois avoient pu finir cette opération
en si peu de temps. Il ne restoit pas le moindre
vestige des barreaux de nos cages; celles-ci
étoient réunies au corridor, ce qui-formoit
une pièce assez longue, pour que nous pussions
tous nous y promener en même temps.
Elle étoit dans toute sa longueur, revêtue de
planches, que l ’on avoit recouvertes de nattes
neuves. Autour du foyer, l’on avoit pratiqué
des appuis en bois, sur lesquels il y avoit une
tasse pour chacun de nous; au foyer (1) étoit
une bouilloire en cuivre toute pleine de thé ;
enfin, l’on avoit préparé une pipe et un sac
rempli de tabac pour chacun. Nous étions
éclairés, non plus avec de l ’huile de poisson,
mais avec des chandelles. Ces changemens
inattendus et si prompts nous parurent
merveilleux.
A peine étions-nous remis de notre éton-
M Les Japonois ont toujours du feu allume depuis le.
matin jusqu’au soir, en été comme en hiver. Hommes et
femmes s’asseyent autour du fojer et fument. La bouilloire,
pleine de thé, ne sort pas d’auprès du feu; car,
pour se désaltérer, ils ne boivent que du thé. Quand ils
n’en ont pas , ils avalent de l ’eau chaude. Jamais leau
froide n’entre dans leur bouche. Ils préfèrent meme le
saki chaud au froid.
neraent que des officiers accompagnes de leurs
enfans vinrent nous voir ; ils nous félicitèrent,
s’assirent avec nous auprès du fe u , fumèrent
et firent la conversation. En un mot, nous
étions non plus des prisonniers, mais des
hôtes. Notre souper nous fut apporté non
dans des tasses, comme par le passé, mais
sur des plateaux à la manière japonoise. La
vaisselle étoit entièrement n eu v e , et plus
belle pour nous trois que pour les autres.
Les mets furent incomparablement meilleurs
qu’auparavant, et l^on ne nous servit plus le
saki par portion dans des tasses; on nous en
donna en bouteilles, comme le vin cbeznous.
Ce changement inattendu nous fut d’autant
plus agréable, qu’il ranima notre espérance
de revoir notre patrie; cette nuit fut la première
depuis le commencement de notre captivité,
où nous dormîmes assez tranquill ement.
Le lendemain et le surlendemain, le calme
dont notre esprit jouissoit nous rendit notre
gaîté. Nous regardions notre retour en Russie
comme vraisemblable, ou plutôt commue certain
; mais cette joie ne fut pas d e longue d urée.
De nouveaux incidens nous firent douter de
la sincérité des Japonois ; et, quoique leur satisfaction
de notre changement de condition