Une propreté admirable règne dans les rues
et dans les maisons. Les habitans sont actifs;
sur tous les visages se peignent le contentement
et la gaîté. On ne peut néanmoins pas
dire que les Kouriles aient l’air triste. En
général ceux de l ’île Matsmaï sont grands et
robustes, plus braves, plus mâles et plus
beaux que nos Kouriles, au moins que ceux
qui habitent Itouroup et Kounaschir (1).
Le 8 août, de grand matin, nos surveillans
se préparèrent à faire leur entrée solennelle
dans la ville: Us mirent de nouvelles robes,
endossèrent leurs cuirasses et s’affublèrent
de leurs bonnets de guerre. Notre déjeûner
fut meilleur qu’a l’ordinaire; car on nous
donna une poule très-bien accommodée, avec
une sauce v e r te ; ce q u i, dans ce pays, est
(a) L e s Kouriles de Matsmaï sont un peuple tout différen
t de ceux des autres îles, lis ont leur langue à pai’t ,
qui renferme à la vérité de£ mots kouriles, mais que
comprennent difficilement les àulres habitans du reste
de l ’archipel. Alex is et les insulaires d’itouroup et de
Kounaschir se comprenoient parfaitement ; mais il ne
s’entretenoit que très-vdifficilement avec les Kouriles d e
Mastmaï. Néanmoins tous ont sans doute fait partie du
même petiple. C ’est ce que l ’èxtérieur, les usages et u n
grand nombre de mots semblables dans les deux langues,
prouvent suffisamment.
un des mets les plus recherchés; mais cela ne
nous proriostiquoit rien de bon. Nous avions
déjà observé plusieurs fois, durant notre
voyage, que, lorsque les Japonois vouloient
procéder à quelque chose de désagréable pour
nous, ils nous faisoient faire meilleure chère
que de coutume. C’étoit encore ici le cas. A
peine avions-nous fini de déjeûner, que les
soldats de Nambou, qui nous avoient accompagnés
depuis Kounaschir, nous déclarèrent
officiellement (1), par leurs interprètes kouriles
et par A le x is , que , à leur chagrin e x trême,
ils ne pouvoient nous conduire dans
la ville que garrottés delà même manière que
nous l’avions été en quittant Kounaschir ; et,
sans autre préambule, ils se mirent aussitôt
à l ’ouvrage. Gooïso, ses compagnons et l ’officier
de Nambou ne vouloient pas permettre
que l’on nous liât les mains derrière le dos;
( i ) Quand les Japonois vouloient nous faire con-
noîlre quelque ch o se , c ’étoit toujours avec des form a lités
et des cérémonies. Us se p laeoient eu lign e vis-à-vis
delnous : leur interprète et A lex is se meltoient à genoux
entre eux e t nous. On ordonnoit de faire s ilen c e , e t le
plus âgé de leur troupe commençoit à pa rle r avec son
interprète lentement qt à voix basse. C e lu i-ci rendpit le
discours à Alexis qui nous le transmettoit.