Me^pûmes nous empêcher de rire, et les Japo-
nois, sans savoir pourquoi, en firent autant.
Ils virent bien que, pour ces matières, Alexis
étoit un très-mauvais interprète, quoique
celui-ci fût certainement d’avis que nous déraisonnions.
Les Japonois prirent nos livres en disant :
« ensuite -, ensuite, » et se mirent à les ranger
dans le coffre avec la plus grande précaution.
Cette mesure et ces mots ensuite, ensuite,
augmentèrent beaucoup nos alarmes. Nous
pensâmes qu’ils nous considéraient décidément
comme des hommes très-savans, sur-r
tout m oi, parce que mon nom se trou voit sur
tous les livres; ils me questionnèrent à ce
sujet, et manifestèrent leur étonnement de
ce que tous ces livres m’appartenoient. Leurs
expressions sembloient indiquer clairement
qu un jour viendroit ou nous serions .en état
de leur expliquer le contenu de ces ouvrages
absolument énigmatiques pour eux. Ils voudraient
sans doute employer à leur avantage
les figures des différentes machines , et alors
nos services leur devenoient indispensables.
Je crois devçùr rapporter deux observations
des Japonois sur nos livres.Usine demandèrent -
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pourquoi )« n’en avois qu’un seul en russe (1),
pouquoi tous les autres étoient en langues
étrangères, et si l’on n’en savoit pas imprimer
de pareil dans mon pays, cc Le hasard a fait,
« répondis-je, que l’on ne m’a envoyé de la
« corvette que des livres en langues étran-
« gères; les fusses sont dans d’autres coffres. »
« Mais, reprirent-ils, .pourquoi vos livres
« étrangers sont-ils si bien imprimés, et sur
« de si beau papier, tandis que le rtisse est
« tout le contraire. » — « Il y a aussi, répli-
« quai - je , des livres russes bien impri-
« més et sur de beau papier, et des livres
« étrangers mal imprimés et sur du papier
« très-grossier. y>
Au milieu d’une foule de questions de pure
Curiosité , et même insignifiantes, les Japonois
nous en adressèrent sur les forces de
terre et de mer,1 les places fortes, la richesse
ét la puissance de l’empire russe, etc. Nous
éprouvâmes du plaisir à répondre, et nous
retînmes fort bien ce que nous avions dit ; de
sorte qu e , se fussent-ils avisés de nous faire
dix fois les mêmes questions sur ces différens
(1) Le Dictionnaire françois, par Tatiscbtscheff, en
âeux volumes.