les Japonois peuvent-ils croire que l’empereur
de Russie, souverain d’un pays si vaste
et id’une nation si nombreuse , auroit expédié
deux petits bâtimens pour faire la guerre au
Japon? Il est bon qu’ils sachent que les vaisseaux
qui les ont attaqués étoient des navires i
marchands, dont les équipages, bien loin
d’être au service de l’empereur, n’a voient
d’autres occupations que la chasse des fourrures
et le commerce» Ces hommes ont, de
leur chef, surpris et pillé les Japonois; le
commandant en sous-ordre ne savoit même
rien de leur dessein. Aussitôt que l ’on a
été instruit de leur conduite, on a examiné
l ’affaire , et les coupables ont été
punis conformément aux lois. Ce qui peut
servir à le prouver, c’est que ces deux bâtimens,
après avoir effectué ces deux invasions
avec le plus grand succès , n’ont pas reparu
depuis cinq ans qu’elles ont eu lieu. Si
l ’empereur de Russie eût eu des motifs et
la volonté de déclarer la guerre au Japon, il
eut envoyé contre eux, tous les ans, un grand
nombre de vaisseaux, jusqu’à ce qu’il eût
obtenu ce qu’il exigeoit. »
En entendant ce discours, le commandant
prit un air plus g a i, et me dit : ce Je suis bien
aise de ce que j ’entends ; je croîs tout, et
maintenant je suis tranquille; mais où sont
les deux hommes que Chvostoff a enlevés, et
pourquoi ne les avez-vous pas ramenés ? » ~
« Ils se sont enfuis d.’Ochotsk sur un canot,
répliquai-je, voilà tout ce que l’on a pu sa-
» voir sur leur compte» » — Le commandant
m’iinnonça ensuite que nous ne trouverions
dans ce lieu ni bois ni bonne eau, ce dontnous
nous étions déjà aperçus; mais qu’àOurbitsch ,
nous pourrions nous procurer non seulement
de l’eau et du bois, mais aussi du riz et d’autres
provisions; enfin, il nous promit une lettre
pour le gouverneur. Nous le remerciâmes, et
nous lu i fîmes, ainsi qu’aux autres officiers,
présent de diverses choses d’Europe; il nous
donna en retour du poisson frais, de la sa-
rarine (1) > de l’ail sauvage, et du saki, espèce
de liqueur du Japon (2). Il nous en fit boire
aussi après en avoir goûté lui-même. Je le
(1) C’est le fruit à pain des Kamtschadales. II consiste
dans le bulbe d’une espèce de lis (Lilium hulbiferum).
(2) Cette liqueur se fait avec le riz. Le goût n’en est
pas mauvais; sa .couleur est blanchâtre. Elle n’est pas
très-forte ; mais quand on en boit une certaine quantité,
elle peut enivrer même un homme habitué aux. boissons
fortes,