comme moi; la marche étoit terminée par
trois soldats et un grand nombre de gens de
service, Japonois et Kouriles, qui portoient
le bagage et les provisions de notre escorte :
notre troupe comprenoit en tout cent cinquante
à deux cents hommes. A la ceinture
de chacun pendoit une tablette en bois, avec
une inscription qui indiqüoit auprès duquel
de nous il étoit placé, et en quoi consistaient
ses fonctions. L ’oyagodaavoit la liste de toute
la troupe.
Les Japonois s’arrêtaient fréquemment pour
se reposer. Chaque fois ils nous offroient du
r i z , des poissons salés, des harengs secs, et du
coulis de champignon, e t , pour boire, du thé
sans sucre. Vers midi, ils entrèrent dans une
maison de campagne assez grande et propre
pour y dîner. Le propriétaire, qui étoit un
jeune homme, nous servit lui-même les mets,
et nous donna du saki; il fit préparer des lits,
et demanda qu’on nous laissât passer la nuit
chez lu i, puisque nous étions fatigués. Nos
conducteurs y consentirent, mais nous préférâmes
continuer notre marche. La douleur
extraordinaire que nous éprouvions dans les,
bras, nous excitoit à ne pas épargner nos
jambes et à atteindre au plus tçt possible le
( )
terme de nos souffrances ; car, nous fiant aux
promesses des Japonois , nous espérions qu’à
Matsmaï nous serions délivrés de nos liens.
L ’après-midi, nous marchâmes extrêmement
v ite , parce que nos conducteurs se hâtoient
d’arriver avant la nuit à la ville d’Atkis ; e t ,
comme ils nous assurèrent que l’on y relâche-
yoit nos liens pour quelque temps, et qu’un
médecin mettroit des emplâtres sur les endroits
de notre corps écorchés par les cordes,
nous nous hâtions aussi. Le temps étoit beau,
mais excessivement chaud. Nous étions tellement
fatigués, que nous pouvions à peine
nous tenir debout ou mettre les pieds l’un devant
l ’autre. Il étoit impossible de faire usage
des litières, car elles étoient si courtes, qu’il
falloit nécessairement s’y blottir; et, en outre,
nos mains liées ne nous permettaient pas de
changer dé position sans être aidés. Toutes les
parties de notre corps étoient douloureuses.
Par malheur, la route suiyoit un sentier étroit '
à travers pne forêt; et, comme les Kouriles
marçhoient extrêmement v ite , les litières
heurtoient souvent çontre les arbres. Le choc
produisoit un ébranlement insupportable, et
q u i, au bout de dix minutes, nous chassoit
dé nouveau de la litière.