sachant combien la solitude devoit m’être à
charge , me faisoit demander lequel des matelots
je désirais avoir avec moi. Ayant répondu
que je ne faisois pas de choix, ne
voulant pas que, dans notre triste position,
mes Compagnons d’infortunes pussent croire
que je préférois l’un' à l’autre, l’officier répliqua
que je devois choisir moi-même,
car cetoit le voeu du commandant. Alors
je dis que je souhaitois les avoir tour à tour
chez moi, et d’abord Makaroff. On me l’amena
aussitôt. Je cherchois à persuader à Alexis
de prier les Japonois de l’enfermer avec Vas-
silieff, au remplacement de Makaroff ; mais
il ne consentit pas à cette proposition, et me
fit par là douter de ses bonnes intentions po ur
nous. J’appris à cette occasion que l’officier
tenoit dans la ville le premier rang après
le commandant en chef. Je lui demandai si
les Japonois avoient le projet de nous tenir
long temps dans une captivité si dure ? «Non,
répondit-il, «vous jouirez un jour de la
société les Uns des autres, et ensuite vous
retournerez dans Votre patrie » — « Nous con-
d uira-t' on bientôt dans un lieu où nous serons
ensemble, lui dis-je?» — «Pas de sitôt,
reprit-il » Les personnes qui se sont trouvées
dans des positions semblables à la nôtre ,
saisissent chaque mot qu’on leur d i t , et y
rêvent ensuite. Si le Japonois eût dit bientôt,
j’eusse regardé ses paroles comme des consolations
en l’air; tandis qu’en éloignant le moment
où il promettait que nous serions mieux,
il in’inspira de la confiance et une sorte de
tranquillité.
Les Japonois s’étant éloignés, je me tournai
vers Makaroff. Il s’extasioit sur la beauté
de mon logement, et regardait avec un plaisir
extrême les objets dont ma fenêtre lui offroit
la vue. Ma cage lui sembla un paradis en
comparaison de celles où M. Cblebnikoff, Si-
man off, Vassilieff, étaient enfermés, et d’où
lui-même sortoit. Il m’en fit la description;
elle me consternai Leurs cages, petites et
construites en solives épaisses, étaient auprès
les unes des antres au milieu d’un vaste hangar;
de sorte que l ’on yarr ivo it de tous côtés.
Au lieu de porte, on y entroit par une ouverture
si basse, qu’il falloit en quelque sorte
ramper. Les rayons bienfaisans du soleil n’ar-
rivoient pas jusqu’à eux , et des ténèbres contili
uejles les en veloppoien t.
L e s discours de l’officier japonois et la
compagnie de ]Vtakaroff adoucirent un peu