leur pouvoir. Alexis m’avoit déjà dit que les
Japonois a voient une crainte inconcevable
des Russes, et qu'ils lui avoient plusieurs
fois exprimé leur étonnement sur la promptitude
de cette nation à tirer, et sur sa précision
à ajuster, ce dont ils avoient eu des
exemples dans 1 attaque faite par les bâtimens
de la compagnie.
Le 10 juillet, dans la matinée, nous emplîmes
nos dernières barriques, ce qui ne
nous permit pas alors de nous approcher du
fort; ensuite le vent nous en empêcha. Cependant
les Japonois avoient fait sortir un
canot, doù l ’on nous lit entendre par signes
que 1 on désiroit nous parler. Je partis aussitôt;
e t, en m’avançant, je remarquai que le
canot avoit mis à l ’eau un petit baril, et s’en
retournoit. Nous trouvâmes dans le baril tous
les objets que nous avions laissés dans le v il-
lage, en paiement de denrées, et tous ceux
que nous avions mis dans les deux barils que
nous avions exposés. J’y ajoutai d ix -h u it
piastres, et quelques mouchoirs de soie des
Indes, et je voulus retourner à bord ; mais les
Japonois se mirent à me faire des signaux avec
des éventails blancs, et me donnèrent à entendre
que je pouvois venir à terre. Je n’avois
plus besoin des Japonois ; ma provision d’eau*
de bois et de vivres étant faite, je pouvois à
l ’aise continuer encore mes recherches pendant
deux mois, puis aller à Ochotsk; mais
d’autres motifs exigeoient que je parlasse aux
Japonois. En qualité d’officier au service de
l ’empereur, je pensai qu’il étoit de mon devoir
de faire tout mon possible pour les convaincre
que notre gouvernement n’avoit eu
aucune part aux hostilités commises sur
leurs cô|es par les bâtimens de la compagnie
d’Amérique; que même 'les directeurs de
cette compagnie, quoiqu’ils ne fussent que
des personnages peu importans dans l’empire,
n’a voient pas conni vé à ce brigandage ; qu’il
ne falloit donc l’imputer qu’au caprice des
commandans de ces bâtimens; enfin, que le
désir de l’empereur avoit toujours été de conclure
des traités d’amitié, et de nouer des
liaisons de commerce avec l’empire du Japon.
L ’occasion présente me fournissoitles moyens
d’effacer le souvenir de ce qui s’étoit passé.
Quand même les circonstances auroient engagé
la Russie à s’expliquer d’une autre maniere
avec les Japonois , mon entrevue avec
eu x ne pouvoit nuire en aucune façon. Il
me sembloit que ma patrie et les devoirs qui