un an prisonniers, avoient décidé de leur
rendre la liberté, et de les renvoyer chez eux.
C’étoient ces Kouriles que les Japon ois avoient
envoyés a n - devant de notre premier canot
pour s’informer du motif - qui nous fai-
soit tant approcher de leurs côtes, et pour
nous dire que les Japonois, pleins d’appréhension
de nos desseins , nous prioient de ne
pas aborder sur leur île.
Ce récit me causa la plus vive surprise , et
je demandai, d’un ton sévère, à M. Moor, pourquoi,
lorsque les Kouriles lui eurent donné
cette information , il avoit entièrement pris
sur lu i, sans attendre mes ordres, de se hasarder,
avec une poignée de monde , à débarquer
sur une île occupée par un peuple rempli
d’animosité contre nous, et pourquoi il n'é-
toit pas aussitôt revenu à bord m’instruire
de ce que les Kouriles lu i avoient appris.
M. Moor se justifia, en disant qu’il avoit craint
que je n’eusse peut-être imputé une sern-^
hlable démarche à de la poltronnerie , et envoyé
à sa place un autre officier à terre ; que
c’eût été pour lu i une honte ineffaçable, qui
l’eût rendu malheureux le reste de sa vie.
Quoique ces motifs ne me parussent pas très-
plausibles, néanmoins la démarche hardie de
cet officier excusoit, dans mon esprit, son
•manque de réflexion , et je brisai sur ce sujet.
M. Moor me montra le commandant japonois
qui se tenoit à quelque distance devant sa
tente sur le rivage. Il étoit entouré d’une
vingtaine dhommes cuirassés et armés de sabres
et de mousquets. Chacun tenoit son
arme au pied du côté gauche , mais sans aucun
ordre, et avoit à sa main droite deux petites
mèches allumées. Je fis au commandant
un salut à l’européenne ; il répondit à cette
politesse en portant sa main droite au front,
et en penchant tout le corps en avant.
Apres ces préliminaires, nous entrâmes en
conversation par rintermédiaire de deux interprètes.
Le sien étoit un soldat qui enten-
doit k langue kourile; le mien, un de nos
kouriles qui comprenoit un peu le russe. L e
commandant japonois commença par me demander
pourquoi nous étions venus chez
eux: si c’étoit pour commercer, et non dans
de mauvais desseins ( i) ; notre bâtiment pou-
voit suivre la côte jusque derrière le volcan
ou se trouvoit le principal établissement de
(i) Notre interprète s’exprima ainsi : «Etes-vous
» venus chez nous dans un mauvais esprit ou dans un
» Jbon esprit. »
T o m . I . ÇT