dâts éloignés d’environ dix pieds l’un de
l ’autre, et en appareil complet de guerre,
mais avec des armes différentes : l’un avoit
un fu s il, le second une flèche, le troisième
une pique, etc. Un officier nous reçut à la
porte, d’après une note de notre escorte, et
nous fit conduire dans la cour où notre demeure
future frappa nos regards. Sa vue
suffisoit pour exciter l’horreur et l ’épouvante.
C’étoit un grand hangar, presque entièrement
sombre, dans lequel il y avoit des
loges en poutres épaisses ; la grandeur a part,
elles ressèmbloient aux cages des oiseaux.
L ’obscurité ne nous permit pas d’ailleurs de
les voir en entier.
Les Japonois nous firent ranger le long
de la palissade, et commencèrent à délibérer
pour savoir comment ils nous placeroient
dans nos demeures. Nous restâmes une demi-
heure dans une attente affreuse, croyant
que cet horrible séjour seroit notre prison
éternelle. Enfin les Japonois nous demandèrent,
à M. Moor et à moi, quel matelot nous
désirions avoir avec nous. Cette question
nous fit un bien grand p la is ir , et nous
priâmes de laisser M. Chlebnikoff avec nous
si cela se pouvoit. Les Japonois rejettèrent
notre demande, par la raison q u ’un officier
devoit être avec les matelots, afin que,
par sou exemple et ses conseils, il les soutînt
et les consolât dans leur malheur, parce
qu’autrement ils pourroient se décourager
et se livrer au désespoir. Après avoir fait
cette réponse, les Japonois me conduisirent,
puis MM. Moor et Schkaieff, à l’un des côtés du
bâtiment, et le reste de mes compagnons à
l’autre. Nous nous séparâmes, les larmes aux
yeux, croyant bien que c’étoit pour toujours.
On me conduisit dans un corridor, où l’on
m’ôta mes bottes, et l’on me débarrassa de tous
mes liens; ensuite on me fit entrer dans une
petite chambre séparée du corridor par des
barreau*:. Je cherchai des y eu x MM. Moor et
Schkajeff; mais quelle surprise extrême ! je
ne pus les apercevoir ni les entendre. Quant
aux Japonois, ils fermèrent la porte sans proférer
une parole, sortirent du corridor, et
en fermèrent aussi la porte. Je restai seul.
L’idée d’être séparé peut-être à jamais de mes
compagnons m’accabla ; dans mon désespoir,
je me précipitai à terre.