grande attention à ce que leurs prisonniers ne
s’ôtassent pas la vie.
La curiosité des Japonois étoit si vive ,
qu’à chaque station ils nous demandoient
presque toujours comment nous nous nommions
, quel étoit notre âge, combien nous
avions de parens, où et comment les objets
que nous avions sur nous avoient été fabriqués,
etc. Ils ne manquoient jamais d’écrire
notrfe réponse. Ils s’informoient surtout de
nous et de nos 'matelots, du nom de différentes
choses en russe, et chacun se faisoit
un petit dictionnaire; Cette persévérance, nous
surprit , et nous conjecturâmes que les ordres
du gouvernement en étoient la cause autant
au moins que la simple Curiosité; nous mîmes
donc plus de circonspection dans nos réponses.
Nous passâmes, le 29 et le 3o ju ille t , dans
un village. Les Japonois nous dirent d’abord
que la maladie de quelques soldats les empê-
choit d’aller plus loin; mais bientôt après,
le commandant du lieu nous annonça q u e ,
faute de monde, on ne pouvoit continuer le
voyage, et que, dès qu’il se scroit procuré le
nombre, d’hommes nécessaire , nous ; nous
remettrions en route. Nous conclûmes de ces
assertions différentes, que les Japonois vou-
loient se jouer de nous, et que notre séjour
avoit un motif différent; nous ne nous trompions
pas. Alexis apprit de quelques Kouriles
que notre demeure future n’étoit pas encore
prête à Chakodade où l’on devoit nous conduire,
et que trois officiers étoient partis de
cette ville avec l’ordre de ne pas nous laisser
avancer (1). Ils parurent bientôt, et nous déclarèrent
qu’ils avoient été envoyés par le commandant
de Chakodade pour nous accompagner
dans cette v ille , et pour veiller à ce que
dans route nous ne manquassions de rien.
Le plus âgé, nommé Ia-Manda-Gooïsp, fut
remplid’attentions, et, dans toute la route, ne
bougea pas d’auprès de nous. Depuis leur arrivée
, nous fûmes mieux nourris qu’auparavant.
Gooïso nous assura qu’à Chakodade,
nous demeurerions dans une maison belle et
commode qui avoit été arrangée exprès pour
nous, qu’on nousôteroit nos liens, que nous
serions bien traités, et que les personnes de
distinction feroient connoissance avec nous et
nous inviteroient à aller les voir. Nous regar-
( 1 ) Nous les prîmes alors pour des officiers d’un ran g
distingué; mais ils n ’étoient que des soldats de l’empereur.
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