nous arriverions à Matsmaï, où nous serions
déliés, et que l’on nous y permettroit d’exposer
notre affaire, qui seroit examinée par leur
principal officier, et que nous serions ensuite
délivrés et renvoyés en Russie. Quoique nous
ajoutassions peu de foi à ces promesses, nous
ne les regardâmes cependant pas comme en7
tièrement imaginaires, et l’espérance nous
sourit de nouveau.
La rivière se déchargeoit dans un grand lac
qui sembloiftenir^à d’autres. Nous naviguâmes
sur ce lac toute la nuit et le jour suivant,
mais avec beaucoup de lenteur. Quand les
bateaux passoient par des endroits peu profonds
, ce qui arrivoit spuvent, les Kouriles
se mettoient dans l ’eau, et les traînoient.
Pendant la nuit il plut abondamment. Les Ja-r
ponois nous couvrirent de nattes qui se dé-
rangeoient si souvent, qu’à chaque instant
nous étions obligés de prier nos gardes de les
remettre en ordre. Un d’eu x , qui se tenoit
près de M. Chlebnikoff r étoit un homme compatissant,
toujours prêt à nous rendre service
à tous; les autres ne remplissoientleur devoir
que dans le jour; il étoit très-difficile de les
faire mouvoir pendant la nuit. Aussi fûmes-
nous passablement mouillés. Un garde frappa
même M. Moor, parce qu’il le dérangeoit trop
souv^ftt; mais ses camarades le réprimandèrent.
Vers minuit, l’on fit halte près d’une
bourgade, poür y changer de rameurs. De
grands feux étoient allumés le longdu rivage.
A la lueur de la flamme, nous aperçûmes des
soldats japonois et des Kouriles rangés en file
et par détachemens. Les premiers étoient dans
leurs habits de guerre, cuirassés, et armés de
fusils ; les autres a voient des arcs et des
flèches. Le commandant, placé en avant de la
troupe, étoit vêtu d’un riche habillement de
soie, et tenoit à la main l’emblème de son autorité
, ressemblant à une balance. Le plus ancien
de nos gardes s’approcha de lu i avec les
marques du plus profond respect, s’agenouilla,
et, la tête baissée, lui parla long-temps. C’étoit
probablement l’histoire de notre arrestation
qu’il lui racontoit. Le commandant vint dans
notre bateau, et nous regarda chacun à l ’aide
d’une lanterne. Je le priai d’ordonner aux
gardes de relâcher un peu nos liens. Ces gens
me comprirent, et lui interprétèrent ma sup--
plique ; mais pour toute réponsë il semitàrire,
grommela quelque chose entre ses dents, et
s’en alla. Nous partîmes pour continuer notre
youté;