officiers, ensuite aux matelots; mais comment
effectuer ce dessein, durant notre
voyage? Nous n’apercevions qu’un moyen
u n iq u e , mais désespéré et bien incertain.
Quand nous arrivions au lieu où nous de-*
vions passer la n u it, les soldats nous laissaient
à la garde de deux à trois habitans du
village , qui n’avoient pas d’armes, et q u i ,
s’asseyant au milieu de la chambre, s’occupaient
à causer ou à toute autre chose , ¡sans
s’inquiéter beaucoup de nous. En nous quittant,
les soldats déposaient leurs armes en
tas dans un endroit très-peu éloigné de celui
où nous étions, se déshabilloient, prenoient
un bain; puis vêtus de leur robe de chambre,
se cou ch oient autour du feu ou fumoient. Au
point du jo u r , on apporloit du feu dans
notre chambre, t e s matelots Simanoff, Ma-
haroff et moi, nous étions si négligemment
garrottés, que lorsque nous le voulions, nous
pouvions faire descendre les liens de nos
coudes ; de sorte qu’au crépuscule, étant
couchés très-près les uns des autres, nous
eussions pu non seulement ôter nos liehs ,
mais aussi en débarrasser nos compagnons
plus fortement garrottés que nous. Tout cela
pouvoit s’effectuer sans peine et sans bruit.
À la vérité les épaules nous Faisoient mal
et nos mains étoient gonflées.; néanmoins,
dans un cas de nécessité extrême; nous eussions
pu nous en servir. Nous n’avions donc
qu à attendre une occasion où nous passerions
la nuit dans un village près duquel se trou-
veroient des bateaux Je long du rivage, bien
entendu qu’en même temps le vent soufflerait
de terre avec forée. Alors nous devions
nous élancer soudainement hors dé notre
chambre, nous emparer des sabres des soldats,
et nous précipiter vers le rivage, en poussant
de grands cris. Cette entreprise d es es pérée eût
sans doute répandu la terreur dans l ’ame des
Japonois désarmés ; leur pusillanimité bien
connue les eut empechcs de s’en remettre
promptement; et, tandis qu’ils auroient cherche
leurs armes, nous fussions arrivés à un
bateau dont nous coupions l ’amarre. Avant
quils eussent pu faire partir leurs embarcations
, le vent nous, eût déjà poussés bien
lo in , et il etoit très—douteux qu’ils se fussent
hasardés à nous poursuivre au* large , surtout
la mer étant agitée. Nous pouvions donc espérer
d’arriver au Kamtschatka, surtout
aidés par la boussole, car il s’en trouve toujours
une à bord des bateaux japonois.