régalai, ainsi que son monde, d’eau-de-vie de
France; et, pour me conformer à l’usage japonois,
je commençai par en goûter pour
faire voir que ce n’étoit pas quelque chose
de dangereux. Tous en burent avec le plus
grand plaisir, mais en petite quantité, et en
faisant du bruit avec la langue. Quand ils
prenoient de mes mains la tasse où ils bu-
voient, ils me remercioient par un petit mouvement
de la tête, et en portant la main gauche
au front. Je pris la mèche d’un de ces
soldats pour l’examiner; en la lui rendant,
je lui fis comprendre par signes que je dési-
rois en couper un morceau ; ils.m’èn donnèrent
aussitôt un paquet tout entier. Je fis ensuite
entendre au chef que je souhaitois voir
son logement, il m’y conduisit à l ’instant; c’é -
toit une tente très-longue, couverte de chaume
et de nattes. Elle étoit, sur sa largeur, partagée
ën plusieurs divisions qui avoient chacune
leur entrée particulière au midi, La lumière
entroit parles portes, car il n’y avoit pas de
fenêtres. L’appartement du chef étoit à l ’est;
le sol y étoit couvert de nattes très-propres,
sur lesquelles nous nous assîmes, les jambes
croisées. On posa au milieu un grand réchaud,
et l’on apporta une caisse recouverte d’une
peau d’ours, dont le côté brut étoit tourné en
dehors. Le chef déposa ses deux sabres, et
dénoua sa ceinture. Je vis qu’il avoit l’intention
de nous régaler en règle; mais il com-
mençoit à faire nuit, et la corvette étoit trop
près de terre. Je le remerciai donc de son accueil
amical, puis je lui fis dire que je ne
pouvois rester plus long-temps, et que je le
viendrois voir une autre fois ; après quoi je
regagnai ma corvette.
Pendant que je conversois avec le chef, le
long du rivage, un v ieu x toïon, ou un ancien
des Kouriles velus de cette î l e , s’approcha
de moi avec les signes du plus profond respect.
Il y a v o i t e n v i r o n , c i n q u a n t e de ces individus
des deux sexes; ils avoient l’air tellement
opprimé par les Japonois, qu’en leur
présence, ils n’osoient pas bouger de place.
Il étoient assis en groupe, et regardoientleurs
dominateurs avec crainte, ne leur parloient
qu’à genoux, la paume des mains appliquée
contre les hanches, la tête profondément
penchée, et tout le corps courbé en avant.
Nos Kouriles nous donnoient les mêmes mart
ques de respect quand ils nous parloient. Désirant
m’entretenir avec eux plus amplement
et plus à Taise, je leur dis qu’ils pouvoient