papier et d’encre, ou de tout ce qui pou-
voit me.servir .à noter ce qui nous arrivoit
j ’imaginai de tenir un journal d’une espèce
particulière. Survenoit - il quelque chose
d’agréable pour nous, je faisois un noeud à ml
fil blanc que je tirois de mes manchettes ;
l ’événement étoit-il fâcheux, le noeud se fai-
soit a un fil noir de ma cravate; se passoit-il
> quelque chose de remarquable, mais qui
dans le fond n’étoit ni triste ni gai, je faisois
le noeud à un fil de soie verte, de la doublure
de mon uniforme. Je repassois souvent ces
noeuds en re v u e , et je me rappelois ainsi les
événemens qu’ils de voient indiquer.
Vers cette époque, les soldats confièrent en
secret à M. Moor que nous ne resterions pai
long-temps à Chakodade. Cette nouvelle nous
parut très-invraisemblable; car, selon toutes
les apparences, nous y étions logés pour
long-temps. D’abord les Japonois nous avoient
donné des robes neuves ouatées, dont ils se
servent au lieu de couvertures d é l it , et qu’ils
emportent bien rarement dans leurs voyages;
secondement, ils avoient, quelques jours
après notre arrivée, construit pi usieurs corps-
de-garde autour de la palissade qui ceignoit
notre prison, et récemment ils avoient fait
quelques changemens dans l ’arrangement de
l ’intérieur.
Le 28 août, dans la matinée, on nous conduisit
pour la seconde fois au commandant en
chef; l’on suivit le même ordre que la première
fois; tout se passa de la même manière,
si ce n’est que, lorsque nous entrâmes,le commandant
n’étoit pas encore dans la salle ; ail
bout de dix minutes, nous le vîmes sortir de
derrière un paravent. Dès qu’il eut pris place,
il tira de son sein une feuille de papier écrite,
et la posa devant lui. Il nous appela chacun
par notre nom qu’il lisoit sur la feuille , et
donna ordre à l’interprète de nous dire que
nos réponses avoient été transmises au gouverneur
(1) de Matsmaï, et que celui-ci avôit
ordonné d’examiner notre affaire dans le plus
grand détail; qu’en conséquence, nous devions
répondre de la manière la plus circonstanciée
et la plus sincère aux questions qui
(1) Comme le pouvoir de c e t officier s’étend sur une
province qui comprend les K o u r ile s japonoises e t S a g -
halien , sa place doit répondre à c e lle d ’un gouv e rn en r
dans les états d’Europe, Nous lui donnions en con sé quence
Ce nom. L es J ap o n o is , en parlant de lu i avec
re spe c t, le nommòient Obounio ou ordinairement Boü-
nio ou Bounioéso.