indifférent; les deux autres papiers étoient
des dessins. Tous deux représentoient le
port, la forteresse , notre corvette, le petit
baril, un canot qui s’en approfchoit , et le soleil
levant; mais, sur le premier dessin, la
forteresse tirait; sur le second, au contraire,
la bouche des canons étoit tournée
en arrière.
Nous fumes long-temps à considérer ces
hiéroglyphes; chacun les expliquoit à sa manière,
ce qui ne doit pas surprendre; car
combien de fois cela n’arrive-t-il pas aux sa-r
vans? Il n’y eut qu’un seul point sur lequel
nous fumes tous d’accord, c’est que les Japonois
ne vouloient rien avoir à faire avec
nous ? Voici comment j ’expliquai leurs dessins
: La première fois ils n’avoient pas tiré
sur notre canot quand ¿1 plaça le petit baril
devant la v ille ; mais si nous recommencions,
ils feroient feu. Nous fîmes donc route vers
une petite rivière qui avoit son embouchure
au côté ouest du port, et nous mouillâmes.
J’expédiai aussitôt des canots armés pour aller
faire de l ’eau. Mes gens travaillèrent à terre
la plus grande partie de la journée, sans le
moindre empêchement de la part des Japonois.
Ceux-ci se contentèrent d’envoyer hors
du fort quelques Kouriles, qui s’approchèrent
de notre monde à peu près à la distance
d’un demi-verste pour observer ce que l’on
faisoit.
Le lendemain, 9 juillet, je m’embarquai
avec nos canots , qui allèrent encore à terre
pour faire de l’eau. Un Kourile, ëxpédié du
fort, s’avança vers nous, mais lentement, et
d’un air craintif. Il tenoit d’une main une
croix de bois, et de l’autre ne cessôit de faire
le signe de la croix. Il avoit vécu quelques
années parmi nos Kouriles del’îlê Rasehaoua,
et y étoit connu sous le nom de Kousma. Il y
avoit probablement appris à faire le signe
de la croix, et entendu dire que les Russes
honorent la croix. Il s’en servoit donc comme
d’une sauve-garde, pour se hasarder de venir
à nous en qualité de parlementaire. Le lieutenant
Roudakoff alla le premier à sa rencontre,
et lui fit des signes d’amitié qu’il accompagna
de quelques présens; mais le pauvre
Kourile étoit tellement agité par la peur ,
qu’il trembloit comme s’il eût eu la fièvre.
J’arrivai bientôt auprès de lu i , mais je ne pus
venir à bout de m’en faire comprendre,
Alexis étant resté à bord de la corvette. Le
Kourile refusa de l’attendre, et témoigna