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première; c’èst tout ce que nous implorons
des Japônois. »
Alors le bounio prononça un long discours.
Il s’exprimoit d’un ton très-pathétique; tout
l ’auditoire l ’écoutoit avec l’attention la plus
marquée ; nous vîmes toutes lesphysionomies
exprimer la compassion. Mais quand Alexis
se fut fait interpréter le discours en kourile,
et sûrement le sens en étoit déjà altéré, il
avoua qu’il venoit d’entendre tant de belles
choses, qu’il pourroit à peine en répéter la
moitié; que néanmoins, il tâcheroit de nous
rendre le fond du discours qui étoit bien fait
pour nous réjouir. «Le général;(i),continua-l-
« i l , a dit.que.les Japonais étoient des hommes
« et avoient, comme les autres, le coeur h u -
« main; qu’en conséquence, nous ne devions
« pas craindre ni nous désespérer. Ils exa-
« mineront notre affaire; quand ils verront
« que nous n’avons pas voulu les tromper, et
« que ce que nous avons dit que Chvostoff
« avoit agi de son chef est v rai, ils nous ren-
(1) Ce titre, p a r lequel Alexis désigne le bounio, est
aussi celui que l’on donne au commandant du Kam-
tscliatka. De 1799 à 1812, ce p o s te " fut rempli par de*
majors généraux.
« verront en Russie, en nous fournissant du
« riz, du sakiet d’autres provisions, et nous
« faisant des présens. En attendant, on„doit
« veiller à ce que nous ne manquions de
cc rien, et à ce que nous nous maintenions en.
« bonne Santé; ainsi nous devons chercher
« à nous ménager. Si nous avons besoin de
fen vêtemens ou de mets particuliers, nous ne
« devons pas avoir honte de les demander. »
Nous exprimâmes au bounio notre recon-
• ' 1 / noissanee de ces paroles consolantes, et de la
promesse de nous rendre justice. Alors il fit
une 'inclination aux employés, et ceux-ci sé
prosternèrent devant lui comme à son entrée.
Après s’être relevé, il sortit. Son porte-sabre
p r it cette arme, avec une pièce d’étolfe, par
l ’extrémité inférieure, tenant la poignée en
haut, et le suivit. Nous retournâmes dans.
notre prison.
Malgré la coïncidence singulière et malheureuse
de plusieurs événemens qui dévoient
exciter les soupçons et l-animosité"
des Japonois contre nous, le discours du
gouverneur „ nous tranquillisa beaucoup.
Nous pensâmes, que des hommes; à moins
d’elre possédés du plus malin esprit, ne puu-
voient pas pousser la dissimulation à un