mots et des phrases à la portée d’A lexis et de
modifier les expressions d’après son intelligence.
Aussi je conviens que notre style eût
semblé étrange à tout autre lecteur. Malgré
tous nos efforts, nous ne pûmes pas néanmoins
faire toujours comprendre nos idées à
Alexis ; quelquefois il les eutendoit bien,
mais il ne trou voit dans sa langue aucun terme
pour les rendre convenablement à l’interprète
japonois. -
Voici comme Koumaddjero s’y prit. D’abord
i l nous demanda la prononciation de chaque
mot russe, et l’écrivit au-dessus de chacun,
en caractères japonois. Quand il avoit ainsi
rempli une feu ille , i l s’informoit de la signification
de chaque expression séparément , et
l ’écrivoit aussi en japonois aii-dessus. Mais
quel embarras extrême il nous donnoit!
C’étoit uji homme d’environ cinquante ans,
très-borné de sa nature, et qui n’avoit pas la.
moindre idée d’une langue européenne quelconque;
ni la moindre notion de grammaire.
Quand nous lui expliquions un mot-par l’intermédiaire
d’A lexis, ainsi que par des gestes
et des exemples, il écoutoit attentivement,
et dis oit à tout, o , o, o;~ce q u i, chez les Japonois,
signifie à peu près autant que : «ah
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o u i, j’entends. » Après lui avoir ainsi démontré
un mot pendant près d’une demi-
heure, nous pensions qu’il l’avoil bien compris;
tout-à-coup il nous interrogeoit de
nouveau, et svouoit qu’il n’avoit pas entendu
la moindre chose. Quelquefois, perdant la
patience , nous le traitions d’imbécillè; mais
il rioit et s’excusoit^n disant qu’ilétoit vieux,
et que la langue russe lui pàroissoit très-difficile..
Le mot impérial l’occupa.deux jours
entiers avant qu’il pût en comprendre la signification.
Nous le lui expliquâmes pendant
deux heures de suite , en lui citant à l’appui
tous les exemples possibles; Alexis qui con-
noissoit ce mot, fit aussi tout ce qu’il put.
Le Japonois écoutoit, rioit et répétoit eu
grommelant o , o , o ; mais à peine avions-nous
fini, qu’il disoit, j’entends bien ce que c’est
qu’empereur, mais impérial, al, a l> je ne le
comprends pas. Les prépositions et les conjonctions
ne pou voient pas absolument entrer
dans sa tête. Il l uisembloit inconcevable qu’on
les mît devant les mots auxquels elles se
rapportent , parce qu’en japonois elles les
suivent toujours. Il en étoit extrêmement
surpris, et ne croyoit pas que l’on pût se bien
exprimer dans une langue aussi barbare et