ne nous laissoient presque jamais près de
l ’eau : si nous leur demandions de nous en
laisser approcher, parce qu’il étoit plus facile
de marcher sur le sable humide , ils n’y c o n -
descendoient qu’avec peine, et se plaçoient
toujours entre nous et l’eau, lors même qu’ils
étoient obligés d’y mettre les pieds. Ils vou-
loient nous préserver non seulement du suicide,
mais aussi des maladies. Us ne souf-
froient jamais que nos pieds fussent mouillés ;
ils nous portaient, sans distinction d’officiers
et de matelots, au-dessus des plus petites flaques
d’eau et des ruisseaux les moins considérables.
Dans le commencement, ils ne vou-
loient pas même nous permettre de cueillir
des fraises et d’autres petits fruits , disant
qu’ils ne valoient rien pour la santé ; enfin
nous parvînmes‘ à leur prouver, que noijs
avions raison de ne pas partager leur opinion
sur ce point.
Nous séjournâmes le a i et le a 2 dans un
petit village où il y avoit pourtant une garnison
et un commandant. Les pluies avoient
tellement grossi une riviè re , que cet obstacle
nous empêchoit de continuer notre voyage.
Le médecin du lieu, fut obligé de panser nos
bras. Il sé servit d’une poudre qui réssembloit
beaucoup au fard blanc, et qu’il répondit sur
nos plaies. Il fit aussi usage d’un emplâtre
couleur lilas, dont je ne connoissois pas les
ingrédiens; il l’appliqua sur les endroits de
nos mains et de nos pieds qui étoien t meu rtris
ou gonfles. Nous ne tardâmes pas à éprou ver
un grand soulagement de ses remèdes, dont il
nous pourvut pour notre voyage.
Nous pûmes de nouveau dormir tranquille*
nient, et marcher plus aisément. Quand nous
étions fatigués, nous nous placions dans les
litières, et nous pouvions y rester sans trop
souffrir.. La conduite des Japonois devenoit
toujours plusaffectueuse. Dans quelques lieu x
de station, le chef du village venoit notis vo ir ,
restait avec nous quelques heures, s’înfor-
moitdc Laxmann et des Russes qui l ’a voient
accompagné; quelques Japonois se souve-
noient encore de les avoir vus. Ils parlèrent
souvent de Resanoff. Ils combloient Laxmann
d éloges, et nous faisoient espérer que le gouvernement
japonois ne nèüs retiendroit pas
éternellement, mais, au contraire, nous met-
troit un jour en liberté, Nodsfûmes surpris de
ce que, dans tout le voyage, aucun Japonois
ne fît mention de la conduite de Chvostoff
même d’une manière détournée. Ils parloient’
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