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contre le fort, et de placer la corvette de manière
à faire feu avec le plus d’avantage ; mais
bientôt la réflexion arriva : je pensai qu’il y
avoit encore du temps pour la vengeance, et
qu’on ne devoit pas commencer les hostilités
sans l ’aveu de son gouvernement. Je changeai
donc tout de suite de dessein, et je m’éloignai
du fort.
Tout-à-coup l ’idée me vint de me faire
comprendre aux Japonois j>ar signes. Le lendemain,
6 juille t, je fis donc mettre en mer,
devant la ville , une barrique divisée en deux
parties. Dans la première, nous plaçâmes un
verre plein d’eau douce, des morceaux de
bois et une poignée de r i z , pour indiquer que
nous désirions avoir toutes ces choses. L ’autre
moitié contenoit des piastres, un morceau de
drap rouge clair et de la verroterie, ce qui
signifioit que, pour les objets dont nous
avions besoin , nous donnerions de l’argent
ou des marchandises. Par-dessus, nous posâmes
un dessin du port avec le fort et la
corvette, c’étoit l’ouvrage de M. Moor, et il
lu i faisoit honneur. On distinguoit sans peine
les canons de la corvette -, mais ils étoient en
repos; ceux du fo r t , au contraire , faisoient
f e u , et les boulets passoient par-dessus la
corvette. Je voulois en quelque sorte par-là
reprocher aux Japonois leur perfidie. A peine
eûmes-nous placé la barrique et nous fûmes-
nous éloignés, qu’ils vinrent la prendre, et
¡’emportèrent dans le fort. Le lendemain ,
nous nous en approchâmes à portée de Canon
pour avoir une réponse , e t , dans tous les
cas, prêts a nous battre. Mais les Japonois
» n’eurent pas l ’air de faire attention à nous;
personne ne se montra hors du fort, qui étoit
tendu comme auparavant. Après avoit bien
réfléchi a toute cette affaire -, je crus avoir
des motifs fondés d’exiger des Japonois une
réponse, telle qu elle put être. Notre rencontre
précédente avec eux avoit été purement accidentelle.
Leur chef s’étoit, de son propre
mouvement, engagé à nous donner une lettre
pour le commandant de la ville devant laquelle
nous étions; cette dépêche devoit nous
faire obtenir de ce dernier non seulement de
1 eau et du bois , mais aussi des vivres. Pleins
de confiance dans ce que le premier nous
avoit dit, nous étions venus en ce lieu après
avoir perdu un mois entier pendant lequel
nous aurions pu aller à Ochotsk; nos provisions
avoient diminué : nous espérions ,
en le payant, obtenir des Japonois ce dont
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