seignent à de jeunes gens. Quelques-uns de
ceux-ci demeurent dans les bâtimens de cet
institut, d’autres n’y viennent qu’aux heures
des leçons; mais il fant pour cela une permission
du gouvernement. Je parlerai plus tard
des connoissances des Japonois dans les
sciences. La nouvelle de la prochaine arrivée
de ces savans nous déplut beaucoup. Le dernier
rayon d’espérance que nous pouvions
conserver d’être mis en liberté, s’évanouissoit
chaque jour davantage. Nous ne pouvions
attribuer l’amélioration qui avoit eu lieu dans
notre sort, qu’au désir des Japonois de nous
conserver la v ie , de nous apprendre à supporter
la rigueur de notre sort, et de profiter
de nos connoissances.
Notre opinion à cet égard fut unanime;
nous neûmes donc plus qu’une pensée en
tete, celle de trouver moyen d’exécuter notre
entreprise hasardeuse. Les plus grands obstacles
se trouvoient maintenant dans notre
propre compagnon, M. Moor. Cette malheureuse
circonstance rendait notre position encore
plus affreuse; nous nous apercevions de
plus en plus qu'il étoit comme métamorphosé >
et devenu un tout autre homme. Il ne se re-
gardoit même plus comme Russe ; il disoit
aux Japonois que toute sa parente demeuroit
en Allemagne; ce qui n’étoit pas tout-à-fait
exact. Son père, à la vérité, avoit l’Allemagne
pour patrie; mais ayant pris du service en
Russie, il avoit épousé une de nos corn patriotes;
et M. Moor, après avoir été élevé dans la religion
de notre pays, avoit reçu son éducation
dans le corps des cadets de la marine. Ses
conversations avec les interprètes nous fai—
soient voir ce que nous devions attendre de
sa part. Alexis nous confia en secret que
M. Moor lu i avoit ouvert son projet d’entrer
au service du Japon, de devenir interprète
des langues européennes, et qu’il avoit cherché
aussi à lu i persuader de faire de même, lui
promettant sa protection quand il seroit devenu
un personnage considérable. Il étoit
donc certain que M. Moor étoit pour nous un
homme dangereux, et que nous devions, par
conséquent, hâter, autant que nous le poui>
rions, l’exécution de notre entreprise.
Si nous eussions été tous unis de sentiment,
l ’exécution de notre projet d’évasion n'eût
pas été difficile. Quoique les soldats du prince
de Sangar ne dormissent pas la nuit, cependant
ils ne prenoient pas beaucoup garde à
nous; ils restoient assis à fumer auprès du feu.