le silence. Cependant le bouniô qui par-
loit a Heinké prononça le mot qui ; en
russe, signifie père. Il Vouloit probablement
savoir comment nos pères sé nommoient.
Heinske tira de son sein un cahier rempli
de noms russes, le feuilleta, et finit par
avouer qu’il ne eonnoissoit pas ce mot,
et ne pouvoit pas le trouver. Le bounio et
les officiers voyant que cet homme ignoroit
un mot si commun éclatèrent de rire,leçon*
gédièrent et ordonnèrent à Koumaddjero et à
Alexis d’être nos interprètes. Heinské fut réduit
à s’asseoir d’un autre côté et à écouter
ee que nous allions dire.
Les questions suivirent le même ordrequ’à
Chakodade. On s’informa de même de nos
noms et surnoms,de nos grades, si nosparens
vivoient encore, si nous avions des frères,
des soeurs, une femme et des enfans, etc.;
mais l’interrogatoire fut encore plus minutieux.
Quand un de nous répondoit qu’il
avoit des frères, on lui demandoit comment
ils s’appeloient, quel étoit leur âge, quelle
carrière ils suivoient, e tc ., et l ’on écrivoit
tout.Le bounio lui-même faisoit les questions.
Il nous interrogea aussi sur le retour de Re-
sanoff en partant du Japon, sur les motifs qui
nous âvoieüt conduits chez eux, puis surd’au-
tres objets étrangers à notre affaire. Voici les
seuls dont je me souvienne. Il voulut savoir
comment lés Russes enterroient leurs morts,
quels monumens ils plaçoient sur les tombes,
et s’il y avoit en cela quelque différence entre
les riches et les pauvres. Ayant répondu que
le corps des riches étoit suivi d’un grand
nombre de prêtres, le bounio observa qu’il
en étoit-de même chez les Japonois. Il finit
-par nous demander si nous n’avions pas à le
prier de quelque chose. Nous répondîmes que
nous ne comprenions pas bien le sens de cette
question, ni ce que M. le gouverneur vouloit
dire; car il pouvoit bien voir en quoi notre
prière devoit consister, puisqu’ayant été
pris par supercherie, nous étions obligés de
languir en prison. Il répliqua que nous pouvions
lui présenter une supplique pour e x poser
dans que l endroit nous désirions habiter,
soit à Matsmaï, soit à Iedo, capitale de
l ’empire, soit dans toute autre v ille , ou si
nous aimions mieux retourner en Russie.—
« Nous ne souhaitons que deux choses, reprîmes
nous, l ’une de revoir notre patrie,
l ’autre de mourir si nous n’obtenons pas la