Leur unique besogne consistoit à faire, toutes
les demi-heures, la ronde autour de la cour,
et à frapper les heures. Leur officier, il est
v ra i, se tenoit presque constamment près des
barreaux, mais il ne regardoit pas souvent
de notre côté, étant presque toujours occupé
à lire. Les Japonois aiment passionnément la
lecture. Les simples soldats même, quand ils
sont de garde, lisent presque continuellement.
Cela ne nous plaisoit guère, parce qu’ils fai-
soient Ja lecture tout haut et d’une vo ix
chantante, à peu près commeonlit les psaumes
chez nous aux enterremens. Avant d’y être
accoutumés, il nous étoit absolument impossible
de fermer l’oeil pendant la nuit. L ’histoire
de leur pays, la relation de leurs querelles
entre eux et de leurs guerres avec les
peuples voisins, sont les lectures favorites des
Japonois. Tous les livres de ce genre sont
imprimés en japonois,* pour imprimer, ils se
servent, non de caractères de métal, mais de
planches de bois très-dur, sur lesquelles les
lettres sont taillées.
Quant aux soldats impériaux, ce ne fut que
dans le commencement qu’ils remplirent leur
devoir avec rigueur; ensuite ils dormoient
toute la nuit, lisoient dans le corps-de-garde
de derrière, ou bien jouoient aux cartes et
aux dames. Ces deux passe-temps sont très-
en usage chez les Japonois. Ils jouent volontiers
de l’argent et perdent souvent jusqu’à
leur dernière pièce. Ils ont appris le jeu de
cartes des matelots hollandois. Ceux-ci pou-
voient jadis aller chez les habitans de Nanga-
saki, et fréquenter les cabarets, ainsi que certaines
femmes q u i, au Japon, exercent leur
profession librement et sous la protection des
lois. Les cartes étoient connues dans ce pays,
sous leurs noms européens, et les jeux composés
de cinquante-deux cartes, lorsque les
querelles et même les combats àmort qu’elles
occasion noient les firent défendre. Aussitotles
Japonois éludèrent la loi, en imaginant des
jeux de quarante-huit cartes, qui sont à peu
près quatre fois plus petites que les nôtres;
aujourd’hui on en fait un usage général. Leur
jeu de dames est très-compliqué;nous avions
la plus grande peine à le comprendre. Ils se
servent d’un très-grand échiquier et de quatre
cents pièces qui marchent et prennent dans
différentes directions. Nos matelots jouoient
le jeu ordinaire de dames européennes Japo-
nois l’imitèrent aussitôt, et en peu de temps
il se répandit dans toute la ville de Matsmaï,