Noël de la distinguer, malgré l’habileté avec laquelle
ce naturaliste observe les poissons. Mais si le sucet ne
présente réellement pas d’évent, il faudra retrancher
la présence de l’organe auquel on a donné ce nom,
des caractères génériques des pétromyzons, diviser la
famille de ces cartilagineux en deux sous-genres, placer
dans le premier de ces grouppes les pétromyzons qui
ont un évent ; composer le second, de ceux qui n’en
auroient pas ; inscrire, par conséquent, dans le premier
sous-genre, la lamproie, la pricka, le lamproyon,
le planer, le rouge, et réserver le sucet pour le second
sous-genre.
Au reste, l’ouverture de la bouche du sucet est plus
étendue que la tête n’est large ; et des muscles assez
forts rendent les lèvres extensibles et rétractiles.
Dans l’intérieur de la bouche, on voit un grand
nombre de dents petites, de couleur d’orange, et
placées dans des cellules charnues. Neuf de ces dents
qui entourent circulairement l’entrée de l’oesophage,
sont doubles. La langue est blanchâtre, et garnie de
petites dents ; et au devant de ce dernier organe, on
apperçoit un os demi-circulaire , d’une teinte orangée,
et hérissé de neuf pointes.
La forme de cet os, et la présence de neuf dents
doubles autour du gosier, suffiroient seules pour distinguer
le sucet de la lamproie, de la pricka, du lamproyon
, du planer et du rouge.
Les pêcheurs de Quevilly, commune auprès de
laquelle le sucet a été particulièrement observé, disent
tous qu’on ne voit ce poisson que dans les saisons où
l’on pêche les dupées aloses. Soit que ce cartilagineux
habite sur les hauts-fonds voisins de l ’embouchure de
la Seine, soit qu’il s’abandonne, pour ainsi dire, à
l’action des marées, et qu’il remonte dans la rivière,
comme les lamproies , ce sont les aloses qu’il recherche
et qu’il poursuit. Lorsqu’il peut atteindre une de ces
chipées, il s’attache à l’endroit de son ventre dont les
tégumens sont le plus tendres, et par conséquent à
la portion la plus voisine des oeufs ou de la laite : se
cramponnant, pour ainsi dire, avec ses dents et ses
lèvres , il se nourrit de la même manière que. les vers
auxquels on a donné le nom de sangsues; il suce le sang
du poisson avec avidité; et il préfère tellement cet aliment
à tout autre, que son canal intestinal est presque
toujours rempli d’une quantité de sang considérable,
dans laquelle on ne distingue aucune autre substance
nutritive.
Les pêcheurs croient avoir observé que lorsque les
sucets, dont l’habitude que nous venons d’exposer a
facilement indiqué le nom, attaquent des saumons,
au lieu de s attacher a des aloses, ils ne peuvent pas
se procurer tout le sang qui leur est nécessaire, parce
qu’ils percent assez difficilement la peau des saumons ;
et ils montrent alors par leur maigreur la sorte de
disette qu’ils éprouvent.