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poisson. L’organe particulier dans lequel réside cette
vertu, et que Hunter a si bien décrit, n’a été connu qu a
peu près dans le même temps, pendant que l’organe
électrique de la torpille a été vu par Stenon dès avant
1673, et peut-être vers la même année par Lorenzini. Et
l ’on ne doit pas être étonné de cettedifférence entre un
gymnote que l’on n’a rencontré, en quelque sorte, que
dans une partie de l’Amérique méridionale ou de l’Afrique,
et une raie qui habite sur les côtes de la mer
d’Europe. D’un autre côté, le gymnote torporifique
n ’ayant été fréquemment observé que depuis le commencement
de l’époque brillante de la physique moderne,
il n’a point été l’objet d’autant de théories plus
ou moins ingénieuses, et cependant plus ou moins dénuées
de preuves, que la torpille. On n’a eu, dans le
fond, qu’une même manière de considérer la nature des
divers phénomènes présentés par le gymnote : on les a
rapportés ou à l’électricité proprement dite, ou à une
force dérivée de cette puissance. Et comment des physiciens
instruits des effets de l’électricité n’auroient-ils
pas été entraînés à ne voir que des faits analogues
dans les produits du pouvoir du gymnote engourdis^
sant?
Lorsqu’on touche cet animal avec une seule main, on
n’éprouve pas de commotion, ou on n’en ressent qu’une
extrêmement foible : mais la secousse est très-forte
lorsqu’on applique les deux mains sur le poisson, et
qu’elles sont séparées l’une de l ’autre par une distance
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assez grande. N’a-t-on pas ici une image de ce qui se
passe lorsqu’on cherche à recevoir un coup électrique
par le moyen d’un plateau de verre garni convenablement
de plaques métalliques, et connu sous le nom de
carreau fulminant? Si on mapproche qu’une main et
qu’on ne touche qu’une surface, à peine est-on frappé;
mais on reçoit une commotion violente si on emploie
les deux mains, et si en s’appliquant aux deux surfaces,
elles les déchargent à la fois.
Comme dans les expériences électriques , le coup
reçu par le moyen des deux mains a pu être assez fort
pour donner aux deux bras une paralysie de plusieurs
années *.
Les métaux, l’eau, les corps mouillés, et toutes les
autres substances conductrices de l’électricité, transmettent
la vertu engourdissante du gymnote ; et voilà
pourquoi on est frappé au milieu des fleuves, quoiqu’on
soit encore à une assez grande distance de l’animal
; et voilà pourquoi encore les petits poissons, pour
lesquels cette secousse est beaucoup plus dangereuse,
éprouvent une commotion dont ils meurent à l’instant,
quoiqu’ils soient éloignés de plus de cinq mètres de
l’animal torporifique.
Ainsi qu’avec l’électricité, l’espèce d’arc de cercle
que forment les deux mains et que parcourt la force
engourdissante, peut être très - agrandi, sans que la
Henri Collins Flagg, à Vendroit déjà cité•