Il est très-vorace ; et comme il est grand et fort , il
peut se procurer aisément l’aliment qui lui est nécessaire.
La recherche à laquelle le besoin et la faim le réduisent,
est d’ailleurs d’autant moins pénible, qu’il vit
presque toujours auprès de l’embouchure des grands
fleuves, où il se tient comme en embuscade pour faire
sa proie et des poissons qui descendent des rivières dans
la mer, et de céux qui remontent de la mer dans les rivières.
Il se jette avec vitesse sur ces animaux; il les
empêche de s’échapper *en s’entortillant autour d’eux,
comme un serpent autour de sa victime; il les renferme,
pour ainsi dire , dans un filet, et c’est de là que vient
le nom dzfilât ( filet ) qu’on lui a donné dans plusieurs
départemens méridionaux de France. C’est aussi de
cette manière qu’il attaque et retient dans ses contours
sinueux les poulpes ou sépies, ainsi que les crabes qu’il
rencontre dépouillés de leur têt. Mais s’il est dangereux
pour un grand nombre d’habitans de la mer, il est
exposé à beaucoup d’ennemis : l’homme le poursuitavec
ardeur dans les pays où sa chair est estimée ; les très-
grands poissons le dévorent ; la langouste le combat
avec avantage; et les murénophis, qui sont les murènes
des anciens, le pressent avec une force supérieure. En
vain, lorsqu’il se défend contre ces derniers animaux,
emploie-t-il la faculté qu’il a reçue de s’attacher fortement
avec sa queue qu’il replie ; en vain oppose-t-il parla
une plus grande résistance a la murénophis qui veut
l'entraîner : ses efforts sont bientôt surmontés; et cette
partie de son corps, dont il voudroit le plus se servir
pour diminuer son infériorité dans une lutte trop inégale
, est d’ailleurs dévorée, souvent dès la première
approche, par la murénophis. On a pris souvent des
congres ainsi mutilés, et portant l’empreinte des dents
acérées de leur ennemie. Au reste , on assure que la
queue du congre se reproduit quelquefois ; ce qui seroit
une nouvelle preuve de ce que nous avons dit de la
vitalité des poissons, dans notre premier Discours.
Redi a trouvé dans plusieurs parties de l’intérieur de
congres qu’il a dissèques, et, par exemple, sur la tunique
externe de l’estomac, le foie , les muscles du ventre, la
tunique extérieure des ovaires , et entre les deux tuniques
de la vessie urinaire, des hydatides à vessie
blanche , de la grosseur d’une plume de coq, et de la
longueur de vingt-cinq à trente centimètres .
Sur plusieurs côtes de l’Océan européen, on prend
les congres par le moyen de plusieurs lignes longues
chacune de cent trente ou cent quarante mètres, chargées
, à une de leurs extrémités, d un plomb assez pesant
pour n’être pas soulevé par 1 action de 1 eau sur la
ligne, et garnies de vingt-cinq oü trente piles ou cordes,
au bout de chacune desquelles sont un haim et un appât.
* A la membrane des branchies 10 r ayons,
à chacune des nageoires pectorales *9
aux trois nageoires réunies du dosj de la queue et de
l’anus, plus de