«X’X’VIlÿ D I s m O U R s
valle inutile au succès particulier qu’il desire , étatique!
il sacrifie tout autre avantage. Il est, peur ainsi dire,
de l’essence de l’Art, de tyranniser par des efforts violeras
les êtres que la Nature régit par des forces insensibles
: et l’on s’en convaincra d’autant plus qu’on réfléchira
avee quelque constance sur les différences que
nous allons" faire remarquer entre la manière dont la
Nature fait succéder une espèce a une autre , et les
moyens que l’ Art emploie pour altérer celle sur laquelle
il agit; ce qu'il appelle la perfectionner, et ce qui ne
consiste cependant qu’à la rendre plus propre à satisfaire
ses besoins.
Lorsque la Nature crée dans les espèces, des rouages
trop compliqués qui s’arrêtent, ou trop simples qui se
dérangent ; des ressorts trop foibles qui se débandent,
ou trop tendus qui se rompent ; des organes extérieurs
trop disproportionnés par leur nombre , leur division,
ou leur étendue, aux fonctions qu’ils doivent remplir;
des muscles trop inertes, ou trop irritables ; des nerfs
trop peu sensibles , ou trop faciles à émouvoir ; des sens
soustraits par leur place et par leurs dimensions à une
assez grande quantité d’impressions , ou trop exposés
par leur épanouissement à des ébranlemens violens et
fréquemment répétés ; et enfin , des mouvemens trop
lents ou trop rapides ; elle agit par des forces foiblement
graduées , par des opérations très-prolongées , par des
ehangemens insensibles.
L’A r t, au contraire, lorsqu’il parvient à faire naître
SU R LA D U R jÉ E D E S E SPECES # XXXIV
des altérations analogues, les produit avec rapidité,
et par une suite d’actions très-distinctes et peu nombreuses.
La Nature étend son pouvoir sur fous les individus y
elle les modifie en même temps et de la meme manière ;
elle change véritablement l’espèce.
L’Art, ne pouvant soumettre à ses procédés qu’une
partie de ces individus , donne le jour à une espèce
nouvelle sans détruire l’ancienne : il n’altère pas, à
proprement parler , l’espèce ; il la double;
If ne dispose pas , comme la Nature, de l’influence
du climat. Il ne détermine ni les élémens du fluide
dans lequel l’espèce est destinée à vivre , ni sa densité ‘ ,
ni sa profondeur % ni la chaleur dont les rayons solaires
ou les émanations terrestres peuvent de pénetier, ni
son humidité ou sa sécheresse ; en un mot, aucune des
qualités qui , augmentant ou diminuant l ’analogie de
ce fluide avec les organes de la respiration, le rendent
plus ou moins propre à donner aux sucs nourriciers
le mouvement vivifiant et réparateur . *1
‘ Tout égal d’ailleurs, un fluide reçoit et perd la chaleur avec d autant
p lus de facilité que sa densité est moindre.
1 Le savant et habile physicien baron de Hiimboltz a trouvé que l’eau de
la mer'a, sur tous les bas-fonds-,-une température plus froide de deux,
Trois ou quatre degrés, qu’au-dessus des profondeurs voisines. Cette observation
est consignée dans une lettre adressée par ce célèbre voyageur, de
Caraccas en Amérique, à mon confrère Lalande, et que cet astronome a
bien voulu me communiquer; ^
^Nous-avons déjà montré, dans le premier Discours et dans plusieurs