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qu’une longueur de vingt-six centimètres ; que ces
anguilles , avant d’être devenues l’objet d’une observation
précise, avoient déjà dix-neuf centimètres, et
par conséquent dévoient être âgées de cinq ou six ans;
qu’à la fin de l’expérience elles avoient au moins quatorze
ans ; qu’à cet âge de quatorze ans elles ne pré-
sentoient encore que le quart ou tout au plus le tiers
de la longueur des grandes anguilles pêchées dans des
lacs de la Prusse % et qu’elles n’auroient pu parvenir à
cette dernière dimension qu’après un intervalle de
quatre-vingts ans. Les anguilles de trois ou quatre
mètres de longueur, vues dans des lacs de la Prusse
par des observateurs dignes de foi, avoient donc au
moins quatre-vingt - quatorze ans : nous devons dire
que des preuves de fait et des témoignages irrécusables
se réunissent aux probabilités fondées sur les
analogies les plus grandes, pour nous faire attribuer
une longue vie. à la murène anguille.
Mais comment se perpétue cette espèce utile et curieuse?
L’anguille vient d’un véritable oeuf, comme tous
les poissons. L’oeuf éclot le plus souvent dans le ventre
de la mère, comme celui des raies, des squales, de
plusieurs blennies, de plusieurs silures ; la pression
sur la partie inférieure du corps de la mère facilite la
sortie des petits déjà éclos. Ces faits bien vus, bien
constatés par les naturalistes récens, sont simples et
* heure du> citoyen Se-pifonlaines,
conformes aux vérités physiologiques les mieü* * prouvées
, aux résultats les plus sûrs des recherches anatomiques
sur les poissons et particulièrement sur l’anguille
; et cependant combien, depuis deux mille ans,
ils ont été altérés et dénaturés par une trop grande
confiance dans des observations précipitées -et mal
faites, qui ont séduit les plus beaux génies, parmi lesquels
nous comptons non seulement Pline, mais même
Aristote ! Lorsque les anguilles mettent bas leurs petits,
communément elles reposent sur la vase du fond des
eaux ; c’est au milieu de cette terre ou de ce sable humecté
qu’on voit frétiller les murènes qui viennent de
paroître à la lumière: Aristote a pensé que leur génération
étoit due à cette fange '. Les mères vont quelquefois
frotter leur ventre contre des rochers ou d’autres
corps durs, pour se débarrasser plus facilement des
petits déjà éclos dans leur intérieur; Pline a écrit que
par ce frottement elles faisoient jaillir des fragmens de
leur corps , qui s’animoient, et que telle étoit la seule
origine des jeunes murènes dont nous exposons la véritable
manière de naître °. D’autres anciens auteurs ont
placé, cette même origine dans les chairs corrompues
des cadavres des chevaux ou d’autres animaux jetés
dans l’eau , cadavres autour desquels doivent souvent
fourmiller de très-jeunes anguilles forcées de s’en
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1Arist. Histoire des animaux, liv# 6 , chap. 16.
* Pline, liv. 9 , chap. 5i .
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