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commotion soit sensiblement diminuée; et vingt-sept
personnes se tenant par la main et composant une
chaîne dont les deux bouts aboutissoient à deux points
de la surface du gymnote, séparés par un assez grand
intervalle, ont ressenti, pour ainsi dire, à la fois, une
secousse très-vive. Les différens observateurs, ou les
diverses substances facilement perméables à l’électricité
, qui sont comme les anneaux de cette chaîne,
peuvent même être éloignés l’un de l’autre de près
d’un décimètre, sans que cette interruption apparente
dans la route préparée arrête la vertu torporifique qui
en parcourt également tous les points.
Mais pour que le gymnote jouisse de tout son pouvoir
, il faut souvent qu’il se soit, pour ainsi dire,
progressivement animé. Ordinairement les premières
commotions qu’il fait éprouver, ne sont pas les plus
fortes ; elles deviennent plus vives à mesure qu’il s’évertue,
s’agite, s’irritej elles sont terribles lorsque, si je
puis employer les expressions de plusieurs observateurs
, il est livré à une sorte de rage.
Quand il a ainsi frappé à coups redoublés autour de
lui, il s’écoule fréquemment un intervalle assez marqué
avant qu’il ne fasse ressentir de secousse, soit qu’il ait
besoin de donner quelques momens de repos, à des
organes qui viennent d’être violemment exercés, ou
soit qu’il emploie ce temps plus ou moins court à
ramasser dans ces mêmes organes une nouvelle
quantité d’un fluide foudroyant ou torporifique.
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Cependant il paroît qu’il peut produire non seulement
une commotion, mais même plusieurs secousses
successives , quoiqu’il soit plongé dans l’eau d'un vase
isolé, c’est-à-dire, d’un vase entouré de matières qui
ne laissent passer dans l’intérieur de ce récipient aucune
quantité de fluide propre à remplacer celle qu’on
pourroit supposer dissipée dans l’acte qui frappe et
engourdit.
Quoi qu’il en soit, on a assuré qu’en serrant fortement
le gymnote par le dos, on lui ôtoit le libre exercice
de ses organes extérieurs, et On suspendoit les
effets de la vertu dite électrique qu’il possède. Ce fait
est bien plus d’accord avec les résultats du plus grand
nombre d’expériences faites sur le gymnote, que l’opinion
d’un savant physicien qui a écrit que l’aimant
attiroit ce poisson, et que par son contact cette substance
lui enlevoit sa propriété torporifique. Mais, s’il
est vrai que des nègres sont parvenus à manier et à
retenir impunément hors de l’eau le gymnote électrique,
on pourroit croire, avec plusieurs naturalistes,
qu’ils emploient, pour se délivrer ainsi d’une commotion
dangereuse, des morceaux de bois qui, parleur
nature, ne peuvent pas transmettre la vertu électrique
ou engourdissante, qu’ils évitent tout contact immédiat
avec l’animal, et qu’ils ne le touchent que par l’intermédiaire
de ces bois non conducteurs de l’électricité.
Au reste, le gymnote torporifique présente un autre
phénomène bien digne d’attention, que nous tâcherons
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