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côté des vaisseaux qui n’est pas exposé aux rajons du
soleil *.
Au reste, cette habitude de chercher l’ombre des
navires peut avoir quelque rapport avec celle de suspendre
leurs courses pendant les brumes, qui leur est
attribuée par quelques vojageurs. Ils interrompent
leurs vojages pour plusieurs mois , aux approches du
froid ; et dès le temps de Pline , on disoit qu’ils hiver-
noient dans l’endroit où la mauvaise saison les surpre-
noit. On prétend que, pendant cette saison rigoureuse,
ils préfèrent pour leur habitation les fonds limoneux.
Ils s j nourrissent de poissons, ou d’autres animaux de
la mer plus foibles .qu’eux ; ils se jettent particulièrement
sur les exocets et sur les dupées ; les petits scom-
bres deviennent aussi leur proie ; ils n’épargnent pas
même les jeunes animaux de leur espèce ; et comme ils
sont très-goulus, e t , d’ailleurs, tourmentés dans certaines
circonstances par une faim qui ne leur permet
pas d’attendre les alimens les plus analogues à leur
organisation, ils avalent souvent avec avidité, dans
ces retraites vaseuses et d’hiver, aussi-bien que dans les
autres portions de la mer qu’ils fréquentent, des frag-
mens de diverses espèces d’algues.
Ils ont besoin d’une assez grande quantité de nourriture
, parce qu’ils présentent communément des
* Nous parlerons encore de celte observation de Commerson, dans l ’article
du scombre germon.
dimensions considérables,, Pline et les autres auteurs-
anciens qui ont écrit sur les thons , les ont rangés
parmi les poissons les plus remarquables par leur
volume. Le naturaliste romain dit qu’on en avoit vu du
poids de quinze talens *, et dont la nageoire de la queue-
avoit de largeur, ou, pour mieux dire , de hauteur,
deux coudées et un palme. Les observateurs modernes
ont mesuré et pesé des thons de trois cent vingt-cinq
centimètres de longueur, et du poids de cinquante-
cinq ou soixante kilogrammes ; et cependant ces poissons
, ainsi que tous ceux qui n’éclosent pas dans le
ventre de leur mère, proviennent d’oeufs très-petits:
on a comparé la grosseur de ceux du thon à celle des
graines de pavot.
Le corps de ce scombre est très-alougé , et semblable
à une sorte de fuseau très-étendu. La tête est petite ;
l ’oeil gros. ; l’ouverture de la bouche très-large ; la
mâchoire inférieure plus avancée que la supérieure ,
et garnie, comme cette dernière , de dents aiguës ; la
langue courte et lisse; l'orifice branchial très-grand*;
l’opercule composé de deux pièces ; le tronc épais, et
* Ce poids de quinze talens attribué à un thon nous paraît bien
supérieur à celui qu’ont dû présenter les gros poissons de l’espèce que
nous décrivons. En effet, le talent des Romains, leur cp.ntum~-pondium, étoit
é g a l, selon Paneton (Métrologie,..p. 761 ) , à 68 livres de France,
poids de marc, et le petit talent d’Égypte, d’Arabie, etc. égkloit 4S i
ou -f~ livres de France. Un thon aurait donc pesé au moins 6-^5 livres •
ce qui. ne nous semble pas admissible.