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les légions de thons, les effrayoit au point de les contraindre
à se précipiter vers le cap de Bjzanceopposé
à la rive de Chalcédoine; que cette direction forcée dans
le voyage de ces scombres en rendoit la pèche très-
abondante auprès de ce cap de Bjzance, et presque
nulle dans les environs des plages opposées ; et que c’est
à cause de ce concours des thons auprès de ce promontoire
, qu’on lui avoit donné le nom de xpviroKepa.;, ou
de corne d'or, ou de corne dabondance *.
Ces seombres sont cependant très-courageux dans
la plupart des circonstances de leur vie. Un seul phénomène
le prouveroit ; c’est l’étendue et la durée descourses
qu’ils entreprennent. Pour en connoître nettement
la nature , il faut rappeler la distinction que
nous avons faite en traitant des poissons en général,
entre leurs vojages périodiques et réguliers, et ceux
qui ne présentent aucune régularité, ni dans les circonstances
de temps, ni dans celles de lieu. Les migrations
régulières et périodiques des thons sent celles auxquelles
ils s’abandonnent, lorsqu’à l’approche de chaque
printemps, ou dans une saison plus chaude , suivant le
climat qu’ils habitent, ils s’avancent vers la température,
l’aliment, l’eau, l’abri, la plage qui conviennent le
mieux au besoin qui les presse, p ou rj déposer leurs
oeufs , ou pour les arroser de leur liqueur vivifiante r
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ou lorsqu’après s’être débarrassés d’un fluide trop stimulant
, ou d’un poids trop incommode , et avoir repris des
forces nouvelles dans le repos et l’abondance , ils quittent
les côtes de l’Océan avec les beaux jours, regagnent
la haute mer, et rentrent dans les profonds asjdes qu’elle
leur offre. Leurs vojages irréguliers sont ceux qu’ils
entreprennent à des époques dénuées de tout caractère
de périodicité , qui sont déterminés parla nécessité
d’échapper à un danger apparent ou réel, de fuir un
ennemi, de poursuivre une proie , d’appaiser une faim
cruelle , et qui, ne se ressemblant ni par l’espace parcouru
, ni par la vitesse employée à le franchir , ni
par la direction des mouvemens , sont aussi variables
et aussi variés, que les causes qui les font naître. Dans
leurs vojages réguliers, ils ne vont pas communément
chercher bien loin, ni par de grands détours , la rive qui
leur est nécessaire , ou la retraite pélagienne qui remplace
cette rive , pendant le règne des hivers. Mais dans
leurs migrations irrégulières, ils parviennent souvent
à de très-grandes distances ; ils traversent avec facilité
dans ces circonstances , non seulement des golfes et
des mers intérieures , mais même l’antique Océan. Un
intervalle de plusieurs centaines de lieues ne les arrête
pas ; et malgré leur mobilité naturelle, fidèles à la cause
qui a déterminé leur départ, ils continuent avec constance
leur course lointaine. Nous lisons dans l’intéressante
relation rédigée et publiée par le général MileU