jours attendus avec une grande impatience. Les habi-
tans couroient alors vers le port, où les patrons des
bâtimens pêcheurs s’empressoient de prendre les filets
nécessaires, et de faire entrer dans leurs bateaux
autant de personnes que ces embarcations pou voient
en contenir, afin de ne pas manquer d’aides dans
les grandes manoeuvres qu’ils alloient entreprendre.
Quand tous les bateaux étoient arrivés à l’endroit où
les thons étoient réunis, on jetoit à l’eau des pièces de
filets, lestées et flottées, et on en formoit une enceinte
demi-circulaire, dont la concavité étoit tournée.vers
le rivage, et dont l’intérieur étoit appelé jardin. Les
thons renfermés dans ce jardin»s’agitoient entre la rive
et les filets,, et étoient si effrayés par la vue seule des
barrières qui les avoient subitement environnés, qu’ils
osoient à peine s’en approcher à la distance de six ou
sept mètres.
Cependant, à mesure que ces scombres s’avançoient
vers la plage , on resserroit l’enceinte, ou plutôt on en
formoit une nouvelle intérieure et concentrique à la
première, avec des filets qu’on a.voit tenus en réserve.
On laissoit une ouverture à cette seconde enceinte jus^
qu’à ce. que tous les thons eussent passé dans l’espace
qu’elle embrassoit; et en continuant de diminuer ainsi,
par des clôtures successives, et toujours d’un plus petit
diamètre, l’étendue dans laquelle les poissons étoient
renfermés , on parvenoit à les retenir sur un fond recouvert
uniquement par quatre'brasses d’eau : alors on
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jetoit dans ce parc maritime un grand boulier’, espèce de
-seirte, dont le milieu est garni d’une mancheJLes thons ,
après avoir tourné autour de ce filet, dont les ailes
sont courbes , s’enfonçoient dans la poche ou manche :
on amemoit, à forcé de bras, le boulier sur le rivage ;
on prenoit les petits poissons avec la main, les gros
avec des crochets ; on les chargeoit sur les bateaux
pêcheurs, et on les transportoit au port de Gollioure.
Une seule pêche produisoit quelquefois plus de quinze
mille myriagrammes de thons; et pendant un printemps
-dont on aconservéavec soin le souvenir, on prit dans
une seule journée seize mille thons, dont chacun pe-
soit de dix à quinze kilogrammes.
Il est des parages dans la Méditerranée où l’on se
* On appelle boulier, sur la côte voisine de îÿarbonne, et sur plusieurs
autres côtes de la Méditerranée , un filet semblable à Vaissaugue *3 et formé
de deuxhras qui aboutissent à une manche. Son ensemble est composé de
plusieurs pièces dont les mailles sont de différentes grandeurs. Pour faire
les -bras , on- assemble^ premièrement ,<douze pièces, dites atlas r dont les
mailles sont de..cinq centimètres en carré ; secondement, quatorze pièces,
dites de deux doigts 3 dont les mailles ont trente-sept millimètres en carré ;
et troisièmement , dix pièces de pousaly pousaux3 pouceaux3 dont les
iqailies ont près de deux centimètres d?otfverture. Tout cet assemblage a
depuis cent -vingt jusqu’à cent quatre-vingts brasses de longueur. Quant au
corps de la manche3 qu’on nomme ^aussi bourse 3 ou coup 3 il est composé
de six pièces, dites de quinze-vingts3 dont chaque maille a douze millimètres
d’ouverture , -et secondement, de huit pièces appelées de brassade ,
•dont les mailles sont à peu près de huit millimètres.
* jdissaugue3 ou essaugue3 sorte de seine ou de filet en nappe, en usage-daus la Méditerranée
, et qui a,.au rüilieu-de sa largeur,.une espèce-de sac ou.de poche.
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