intervalle. Autant la Nature est constante dans ses lois,
autant elle est variable dans les effets qui en découlent.
L’instabilité est de l’essence de la durée particulière
des êtres ; et le néant en est le terme , comme il en a
été le principe.
Le néant ! C’est donc à cet abyme qu’aboutissent
et ce que nos sèns nous découvrent dans le présent, et
ce que la mémoire nous montre dans le passe , et ce
que la pensée nous indique dans 1 avenir. Tout s efface r
tout s’évanouit. Et ces dons si recherchés , la santé , la
beauté, la force ; et ces produits del’industriè humaine r
dont se composent les richesses, la supériorité, la puissance
; et ces chefs-d’oeuvre de l’art r que l’admiration
reconnoissante-a, pour ainsi dire , divinises ; et ces mo-
numens superbes que le génie a voulu élever contre les
efforts des siècles sur l’Asie, l’Afrique et l’Europe étonnées
; et ces pyramides que nous nommons antiques r
parce que nous ignorons combien de millions de générations
ont disparu depuis que leur hauteur rivalise
avec celle des montagnes ; et ces résultats du besoin ou
de la prévoyance du philosophe, les lois qui constituent
lès peuples, les institutions qui les protègent,,
les Usages qui lés régissent , les moeurs qui les défendent
, la languee]ni les distingue ; et lés nations elles-
mêmes se répandant du-dessus des vastes ruines des
empires écroulés lès uns sur les autres ; et les ouvrages
en apparence si durables de la Nature , les forets touffues
les Andes sourcilleuses, les fleuves rapides , les
SUR LA DURÉE DES ESPECES. XXvi j
isles nombreuses, les continens , les mers, bien plus
près de cesser d’être que la gloire du grand homme
qui les illustre ; et cette gloire elle-même ; et le théâtre
de toute renommée , le globe que nous habitons ; et
les sphères qui se meuvent dans les espaces célestes ; et
les soleils qui resplendissent dans l’immensité ; tout
passe , tout disparoît, tout cesse d’exister.
Mais tout s’efface par des nuances variées comme les
différens êtres ; tout tombe dans le gouffre de la non-
existence , mais par des degrés très-inégaux; et les divers
êtres ne.s’y engloutissent qu’après des durées inégales.
Ce sont ces durées particulières , si diversifiées et
par leur étendue et par leur graduation , que l’on doit
chercher à connoître.
Qu’il est important d’essayer d’en déterminer les
époques !
Consacrons donc maintenant nos efforts à nous
former quelque idée de celle des espèce? qui vivent
sur le globe.
Quelle lumière plus propre à nous montrer leurs
véritables traits , que celle que nous pourrions faire
briller en traçant leurs annales !
Mais pour que nos tentatives puissent engager les
amis de la science à conquérir cette belle partie de l’empire
de la Nature , non seulement n’étendons d’abord
nos recherches que vers la durée des espèces qui ont
reçu le sentiment avec la v ie , mais ne considérons en
quelque sorte aujourd’hui que celle des espèces d’ani