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leur étendue à presque toutes les surfaces, en reçoivent
des impressions que des écailles presque insensibles ne
peuvent ni arrêter, ni, en quelque sorte, diminuer , et
doivent donner à l’animal un toucher assez vif et assez
délicat.
Il est à remarquer que les anguilles, qui, par. une suite
de la longueur et de la flexibilité de leur corps, peuvent,
dans tous les sens, agir sur l’eau presque avec la même
facilité et par conséquent reculer presque aussi vite
qu’elles avancent, pénètrent souvent la queue la première
dans les trous qu’elles forment dans la vase, et
quelles creusent quelquefois cette cavité avec cette
même queue, aussi bien qu’avec leur tête h
Lorsqu’il fait très-chaud, ou dans quelques autres
circonstances, l’anguille quitte cependant quelquefois,
même vers le milieu du jour, cet àsjle qu’elle sait se
donner. On la voit très-souvent alors s’approcher de
la surface de l’eau, se placer au-dessous d’un amas de
mousse flottante ou de plantes aquatiques, j demeurer
immobile, et paroître se plaire dans cette sorte d’inaction
et sous cet abri passager “. On seroit même tenté
de croire qu’elle se livre quelquefois à une espèce de
demi-sommeil sous ce toit de feuilles et de mousse. Le
citoyen Septfontaines nous a écrit, en effet, dans le
temps, qu’il avoit vu plusieurs fois une anguille dans *
1 Voyage de Spdllanzani, vol. "VI, page i 54.
* Lettre du citoyen Septfontaines au citoyen Lacepède, datée d’Aïdres,
le l 3 juillet'1788 ( v, st. ).
la situation dont nous venons de parler, qu’il étoit
parvenu à s’en approcher, à élever progressivement
la voix, à faire tinter plusieurs clefs l’une contre l’autre,
à faire sonner très-près de la tête du poisson plus de
quarante coups d’une montre à répétition, sans produire
dans l’animal aucun mouvement.de crainte , et que la
murène ne s’étoit plongée au fond de l’eau que lorsq
u ’i l s’étoit avancé brusquement vers elle, ou qu’il avoit
ébranlé la plante touffue sous laquelle elle goûtoit le
repos.
De tous les poissons osseux, l’anguille n’est cependant
pas celui dont l’ouïe est la moins sensible. On sait
depuis long-temps quelle peut devenir familière au
point d’accourir vers la voix ou l’instrument qui l’appelle
et qui lui annonce la nourriture quelle préfère.
Les murènes anguilles sont en très-grand nombre
par-tout où elles trouvent l’eau, la température, l’aliment
qui leur conviennent, et où elles ne sont pas
privées de toute sûreté. Voilà pourquoi, dans plusieurs
des endroits où l’on s’est occupé de la pêche de ces
poissons, on en a pris une immense quantité. Pline a
écrit que daps le lac Benaco des environs de Vérone,
les tempêtes qui, vers la fin de l’automne , en boule-
versoient les flots, agitoient, entraînoient et rouloient,
pour ainsi dire, un nombre si considérable d’anguilles,
qu’on les preuoit par milliers a 1 endroit ou le fleuve
venoit de sortir du lac. Martini rapporte dans son Dictionnaire,
qu’autrefois on en pêchoit jusqu a soixante