sur des bancs de.sable, sur des rochers, sur des cotes
plus ou moins favorables au développement des foetus;
non seulement elles ne les abandonnent point sur des
rivages ; mais on diroit que, modèles de la véritable
tendresse maternelle, elles,consentent à perdre la vie
pour la donner aux petits êtres qui leur devront leur
existence. On croirait même qu’elles s’exposent à périr
au milieu de douleurs cruelles, pour sauver les jeunes
produits de leur propre substance. Jamais 1 imagination
poétique, qui a voulu quelquefois élever l’instinct des
animaux, animer leur sensibilité, ennoblir leurs affections,
embellir leurs qualités, et les rapprocher de celles
de l’homme, autant qu’une philosophie trop sévère et
trop prompte dans ses jugemens a cherché aies dégrader
et à les repousser loin d’elle,'n’a pu être si facilement
séduite lorsqu’elle a erré au milieu des divers grôuppes
d’animaux dont nous avons entrepris d’écrire l’histoire,
et même de tous ceux que l’on a placés, avec raison,
plus près de l’homme, ce fils privilégié de la nature,
qu’elle ne l’auroit été par le tableau des soins des syngnathes
mères, et de toutes les circonstances qui
accompagnent le développement cje leurs foibles embryons
: jamais elle ne se. seroit plue à parer de plus
de charmes les résultats de l’organisation des êtres
vivans et sensibles. Et combien de fois les syngnathes
mères n’auroient-elle^ pas été célébrées dans ces ouvrages
charmans, heureux fruits d’une invention brillante
et d’un sentiment touchant, que la sagesse reçoit
des mains de la poésie pour le bonheur du monde, si
le génie qui préside aux sciences naturelles avoit plutôt
révélé à celui des beaux arts le secret des phénomènes
dérobés à presque tous les yeux, et par les eaux des
mers dans lesquelles ils s’opèrent, et par la petitesse
des êtres qui les produisent!
Mais au travers de ees voiles précieux et transparens
dont l’imagination du poète les aurait enveloppés,
quaurait vu le physicien? Que peut remarquer dans
la reproduction des syngnathes, l’observateur le plus
froid et le plus exact? Quels sont ces faits à la vue
desquels la poésie auroit bientôt allumé son flambeau?
Oublions les douces images qu’elle auroit fait naître,
et ne nous occupons que des devoirs d’un historien
fidèle. '
On a pensé que les syngnathes étoient hermaphrodites
: un savant naturaliste, le professeur Pallas, l’a
écrit ; et ses soupçons a cë sujet ont été fondés sur cé
que dans tous les individus, de ce genre qu’il a disséqués,
il a trouve des ovaires et des oeufs. Peut-être
dans cette famille, ainsi que dans plusieurs autres de
la classe des poissons, le nombre des femelles l’em-
porte-t-il de beaucoup sur celui des mâles. Mais, quoi
qu il en soit, les observations d autres habiles physiciens,
et particulièrement celles d’Artedi, qui a vu des syngnathe^
mâles, ne permettent pas de regarder comme *
* Pallas r Spicileg. zoologie. 8? p. 33.