nourrir par le défaut de tout autre aliment placé à leur
portée. A des époques bien plus rapprochées de nous,
Helmont a cru que lés anguilles venoient de la rosée
du mois de mai ; et Leuwenhoeck a pris la peine de
montrer la cause de cette erreur, en faisant voir que
dans cette belle partie du printemps, lorsque l’atmosphère
est tranquille , et que le calme règne sur l’eau,
la portion de ce fluide la plus chaude est la plus voisine
de la surface, et que c’est cette couche plus échauffée,
plus vivifiante, et plus analogue à leur état de foi-
blesse, que les jeunes anguilles peuyent alors préférer.
Schwenckfeld, de Breslaw en Silésie, a fait naître les
murènes anguilles des branchies du cyprin bordelière;
Schoneveld,.de Kiel dans le Holstein, a voulu qu’elles
vinssent à la lumière sur la peau des gades morues, eu
des salmones éperlans. Ils ont pris l’un et l’autre pour
de très-petites murènes anguilles, desi gordius , des
sangsues, ou d’autres vers qui s’attachent à la peau ou
aux branchies de plusieurs poissons. Eller, Çharleton^
Fahlberg, Gesner, Rirckholtz, ont connu, au contraire,
la véritable manière dont se reproduit l’espèce que nous
décrivons. Plusieurs observateurs des temps récens sont
tombés, à la vérité, dans une erreur combattue même
par Aristote, en prenant les vers qu’ils vqyoiérjt dans
les intestins des anguilles qu’ils disséquoient, pour des
foetus de ces animaux. Leuwenhoeck a eu tort de chercher
les oeufs de ces poissons dans leur vessie urinaire,
et Vallisnieri dans leur vessie natatoire: mais Muller, et
peut-être Mondini, ont vu les ovaires ainsi que les
oeufs de la femelle ; et la laite du mâle a été également
reconnue.
D’après toutes ces considérations, on doit éprouver
un assez grand étonnement, et ce vif intérêt qu’inspirent
les recherches et les doutes d’un des plus habiles
et des plus célèbres physiciens, lorsqu’on lit dans le
Voyage de Spallanzani *, que des millions d’anguilles
ont été pêchées dans les marais, les lacs ou les fleuves
de l’Italie et de la Sicile, sans qu’on ait vu dans leur
intérieur ni oeufs ni foetus. Ce savant observateur
explique ce phénomène, en disant que les anguilles ne
multiplient que dans la mer -, et voilà pourquoi, continue
t-il, on n’en trouve pas, suivant Senebier, dans le
lac de Genève, jusqu’auquel la chute du Rhfmemé leur
permet pas de remonter * tandis qu’on en pêche dans
le lac de Neufchâtel, qui communique avec la mer par
le Rhin et le lac de Brenna. Il invite, en conséquence ,
les naturalistes à faire de nouvelles recherches sur les
anguilles qu’ils rencontreront au milieu des eaux salées,
et de la mer proprement dite, dans le temps du frai
de ces animaux, c’est-à-dire, vers le milieu de l’au 3
tomne , ou le commencement de l’hiver.
Les oeufs de l’anguille éclosant presque toujours dans
le ventre de la mère, y doivent être fécondés : il est
donc nécessaire qu’il y ait dans cette espèce un véritable
* Pages 16 7 ,17 7 ,18 1 .