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cruellement blessés par les piquans de ces. animaux ;
et sur-tout parles aiguillons de la première nageoire
dorsale, leur fait prendre de grandes précautions; et
les accidens occasionnés par ces dards ont été regardés
comme assez graves pour que, dans le temps, l’autorité
publique ait cru, en France, devoir donner, à.ce sujet,
des ordres très-sévères. Les pêcheurs s’attachent surtout
à briser ou arracher les aiguillons des vives qu’ils
tirent de l’eau. Lorsque, malgré-toute leur attention,
ils ne peuvent pas parvenir à éviter la blessure qu’ils
redoutent, ceux de leurs membres qui sont piqués présentent
une tumeur accompagnée de douleurs très-
cuisantes et quelquefois de fièvre. La violence de ces
symptômes dure ordinairement pendant douze heures;
et comme cet intervalle de temps est celui qui sépare
une haute marée de celle qui la suit, les pêcheurs de
l’Océan n’ont pas manqué de dire que Indurée des
accidens occasionnés par les piquans des vives avoit
un rapport très-marqué avec les phénomènes du flux
et reflux,-auxquels ils sont forcés de faire une attention
continuelle, à cause de l’influence des mouvemens de
la mer sur toutes leurs opérations. Au reste, les moyens
dont les marins de l’Océan ou de la Méditerranée se
servent pour calmer leurs souffrances, lorsqu’ils ont
été piqués par des trachines vives, ne sont pas peu
nombreux; et plusieurs de ces remèdes sont très-
anciennement connus. Les uns se contentent d’appliquer
sur la partie malade le foie ou le cerveau encore
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frais du poisson; les autres, après avoir lavé la plaie
avec beaucoup de soin, emploient une décoction de
lentisque, ou les feuilles de ce végétal, ou des fèves
de marais. Sur quelques côtes septentrionales, on a
recours quelquefois à de l’urine chaude ; le plus souvent
ou y substitue du sable mouillé, dont on enveloppe
la tumeur, en tâchant d’empêcher tout contact
de l’air avec les membres blessés par la trachine.
L’enflure considérable et les douleurs longues et
aiguës qui suivent la piquure de la vive, ont fait penser
que cette trachine étoit véritablement venimeuse ; et
voilà pourquoi, sans doute, on lui a donné le nom de
l’araignée dans laquelle on croyoit devoir supposer un
poison assez actif. Mais la vive ne lance dans la plaie
quelle fait avec ses piquans, aucune liqueur particulière
: elle n’a aucun instrument propre à déposer une
humeur vénéneuse dans un corps étranger, aucun
réservoir pour la contenir dans l’intérieur de son corps,
ni aucun organe pour la filtrer ou la produire. Tous
les effets douloureux de ses aiguillons doivent être
attribués à la force avec laquelle elle se débat lorsqu’on
la saisit, à la rapidité de ses mouvemens, à l’adresse
avec laquelle elle se sert de ses armes, à la promptitude
avec laquelle elle redresse et enfonce ses petits dards
dans la main, par exemple , qui s’efforce de la retenir,
à la profondeur à laquelle elle les fait parvenir , et à la
dureté ainsi qu’à la forme très-pointue de ces piquans.
La vive n’emploie pas seulement contre les marins
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